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culottes collantes, sont des pages chevaleresques aux jambes un peu grêles comme en peignait le Pérugin. Sans doute des naïvetés, des demi-gaucheries, une imitation trop littérale des formes réelles, indiquent que l’esprit n’a pas encore atteint tout son essor, sans doute encore des cambrures exagérées, des chevelures surabondantes comme celles de Léonard annoncent le premier excès et la sève irrégulière de l’invention ; mais le sculpteur sent si bien la vie ! On voit qu’il la découvre, qu’il s’en éprend, que son âme en est pleine, qu’un jeune homme hautain, une madone virginale et immobile, suffisent à l’occuper tout entier, que les diversités de la tête et de l’attitude humaine, le mouvement des muscles et des draperies, toute la grandeur et toute l’action du corps se sont imprimées dans sa pensée par un contact direct, avec une compréhension spontanée, sans tradition académique. De Ghiberti à Michel-Ange, la sculpture italienne à multiplié les chefs-d’œuvre : ses statuettes, ses bas-reliefs, son orfèvrerie, sont tout un monde ; si dans la grande statue isolée elle demeure inférieure à la sculpture grecque, elle l’égale dans les statues subordonnées et dans l’ornementation générale. La statue ainsi comprise entre comme une portion dans un tout. Les dessus des trois portes de la façade sont des tableaux comme les bas-reliefs de Ghiberti ; la Nativité, la Circoncision, l’Adoration des Mages et sur la façade du nord la Visitation s’y déploient en scènes complètes par une multitude de figures groupées, parfois avec une profusion riante d’arabesques, dont les personnages eux-mêmes ne sont qu’un fragment. La porte septentrionale est un arc porté par deux colonnes et deux pilastres, tout peuplé et fleuri comme les frontispices des livres du temps. Des enfans nus s’accrochent aux rebords, jouent avec des dauphins, chevauchent sur des chèvres ; d’autres soufflent dans une cornemuse. De petits amours marins font frétiller leur queue de serpent parmi des grenouilles qui sautent. Des oiseaux aux ailes déployées viennent becqueter des cornes d’abondance. Sur les fenêtres voisines court une frise de larges fleurs épanouies, de corps enfantins, de médaillons sévères. Tous les règnes de la nature, tout le gracieux et luxueux pêle-mêle du monde fantastique et du monde réel s’ordonne et s’agite dans la pierre comme un carnaval païen dans les jardins d’Alcine avec la capricieuse et facile invention de l’Arioste ; L’architecture elle-même s’accommode à cette fête élégante ; elle fait des bijoux pour l’encadrer. Le baptistère est un charmant petit pavillon de marbre dont les colonnettes font cercle pour porter un toit rond et abriter le vase sculpté qui contient l’eau lustrale. Les niches qui flanquent la grande entrée sont de sveltes petits portiques où serpentent des arabesques légères. Peut-être faut-il dire que le centre de l’art à la renaissance, c’est