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et d’agrément. La façade est le pignon ordinaire, composé de deux maisons emboîtées, l’une supérieure, l’autre inférieure, nettement marquées par quatre cordons perpendiculaires de statues. On reconnaît le type et l’ossature de l’architecture nationale telle que Pise, Sienne, Vérone, l’ont inventée en refaisant les basiliques. Elle est chrétienne, mais elle est gaie ; quoique les pleins dominent, la variété et la finesse, ne manquent point. On suit l’assiette du mur, mais il est brodé ; il est brodé, mais avec mesure. Les niches des statues sont à coquilles ; mais chaque file de niches se termine par le plus fleuri et le plus élégant petit clocheton. La nudité de la façade est diversifiée par une grande rosace, par quatre hautes fenêtres, par les quatre files de niches et de statues ; pour achever de rompre la monotonie, l’artiste a posé sur les deux flancs deux grandes niches qui avancent, et dans lesquelles l’ange d’un côté, la Vierge de l’autre, sont debout entre de jolies colonnettes tordues sous des pinacles aigus. Au-dessus de la rosace elle-même s’étagent deux niches, l’une étroite et gothique qui porte le Christ, l’autre large où les formes ogivales se mêlent aux formes de la renaissance, et où un second Christ, entre l’ange et sa mère, semble étendre sa bénédiction sur tout l’édifice. Plus, haut encore, à la cime extrême et centrale, au-dessus de cette pyramide svelte et montante, on voit se dresser, comme le couronnement d’un candélabre, la plus mignonne et la plus charmante tourelle découpée à jour, quatre étages délicats de pilastres sculptés et de colonnettes grecques, exhaussés et affilés par une coiffure de fleurons et de dentelures gothiques. Nulle part on n’a vu une façade latine où la riche invention de la renaissance et la finesse tourmentée du goût ogival s’accordent avec une sobriété plus exquise et un élan plus vif.

Mais l’esprit de la renaissance domine. On s’en aperçoit à l’abondance et à la beauté des statues. Le plaisir de contempler et d’ennoblir la forme humaine est le signe distinctif de cet âge où l’homme affranchi de la superstition et de la misère antiques commence à sentir sa force, à admirer son génie, à prendre pour lui-même la place des dieux sous lesquels il s’humiliait. Non-seulement des cordons de statues enserrent les quatre lignes de l’édifice et s’étagent au-dessus de la rosace, mais les fenêtres en sont bordées, la porte du centre en est flanquée et s’en couronne, la courbure des trois portails en est peuplée. Elles sont du meilleur temps et appartiennent à l’aube de la renaissance[1]. Leur simplicité, leur sérieux, leur originalité, leur vigueur d’expression, témoignent d’un art sain et jeune. Quelques figures de jeunes gens en pourpoint, en

  1. Deux statues aux flancs de la grande porte sont datées de 1498.