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chez un reptile, chez un poisson ou chez un insecte, la larve ne trouve point les conditions de chaleur qui doivent la faire sortir de son état de vie latente ; elle ne se développe point et traverse tout le tube digestif sans avoir subi d’altération ou de changement. Ingérée chez un oiseau, elle sort de son inertie et se développe, mais l’embryon ne trouve point dans la fibre musculaire un habitat convenable. Le mammifère seul lui offre ces conditions diverses. Il arrive cependant que certaines circonstances inséparables de l’âge ou de l’espèce du mammifère ne permettent point à la trichine d’accomplir non plus chez lui le cycle complet de ses développemens. Chez le chien adulte ou vieux, la larve ingérée dans l’estomac acquiert dans l’intestin son développement complet, mais les embryons ne parviennent pas dans les muscles et périssent. Chez le très jeune chien, au contraire, l’embryon arrive dans les muscles et s’y développe comme chez l’homme ; le renard est, comme le chien adulte, préservé de la trichine. On doit présumer d’après ces faits que les grands carnassiers, ceux au moins qui sont arrivés à un certain âge, ne sont point aptes à propager la trichine. Les grands carnassiers sont toutefois presque les seuls animaux qui se nourrissent de la chair fraîche et palpitante des mammifères ; les occasions de la transmission de la trichine seraient donc bien rares, si la larve de ce ver avait la vie aussi fugace que sa mère et périssait avec son hôte : infailliblement l’espèce disparaîtrait ; mais dans le kyste, où elle acquiert l’état de larve, la trichine acquiert aussi des propriétés vitales nouvelles : ces propriétés la protègent contre les agens destructeurs qu’elle ne tarde pas à rencontrer après la mort de son hôte. Elle résiste en effet au refroidissement du cadavre et même à un froid de 16 degrés au-dessous de zéro ; elle résiste à la putréfaction des chairs qui l’enveloppent, et cela pendant un mois et plus ; elle résiste enfin à l’action de substances diverses, acides, alcalines, salées, etc., qui tuent presque instantanément la trichine adulte et beaucoup d’autres invertébrés. Grâce à ces facultés, la trichine devient la proie d’animaux qui se repaissent de chairs plus ou moins corrompues, restes du repas des grands carnassiers ou lambeaux de cadavres abandonnés sur le sol. C’est ainsi qu’elle agrandit son domaine et que le porc, le rat, la souris, le chat même, et tant d’autres petits carnassiers ou rongeurs servent à sa propagation.

Les phénomènes morbides occasionnés par la trichine sont en rapport avec le cycle qu’elle parcourt dans son développement. Sa présence dans le tube digestif et le passage des embryons à travers les parois entraînent des désordres intestinaux dont la durée, d’environ un mois, correspond à celle du séjour que fait le ver adulte dans l’intestin. L’arrivée des embryons dans les organes extérieurs détermine ensuite de violentes douleurs musculaires, de la fièvre, et les symptômes d’une maladie grave qui, suivant sa période, pourrait être confondue avec le rhumatisme aigu ou bien avec la fièvre typhoïde. Si le malade ne succombe pas, tout rentre peu à peu dans l’ordre lorsque les trichines enkystées sont emprisonnées dans les muscles.

Les accidens causés par la trichine sont déterminés par une cause purement physique. Lorsque des milliers d’embryons, comme ceux de la