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nécessairement à l’arbitraire des supérieurs. Serait-il raisonnable de mettre tant de richesses et tant de pouvoir à la disposition des prélats, dépendant eux-mêmes de la cour de Rome, sans réserver à l’état un certain droit d’intervention et de surveillance ?

Ces difficultés sont graves, mais non pas insolubles. La science financière doit offrir, à ce qu’il nous semble, des combinaisons de nature à garantir les intérêts très divers engagés dans ce problème. De quoi s’agit-il en définitive ? La politique exige que le temporel des églises soit distribué d’une manière plus conforme aux besoins du culte, et que l’état, s’il se peut, trouve des ressources dans cette transformation ; mais il faut, avant toutes choses, que le clergé n’ait pas à craindre les contre-coups des embarras budgétaires, il faut qu’il vive dans la plus entière sécurité pour la portion des biens destinés à former, en dehors de l’état, la dotation de l’église italienne ; il importe enfin que la mobilisation de la mainmorte ne constitue pas une concurrence ruineuse pour la propriété particulière. Tout cela peut être concilié.

Il est à peu près certain que des biens de mainmorte dont le revenu net est accusé pour 67 millions donneraient 100 millions et peut-être plus, s’ils étaient divisés et fécondés par l’énergie privée ; d’un autre côté, on entrevoit que la somme des rentes à constituer pour la dotation du culte catholique et les indemnités viagères à fournir peut s’élever à 55 millions. Entre ces deux chiffres de 55 et de 100 millions s’ouvre l’écart où le trésor public puiserait son bénéfice. L’état, fort heureusement, n’a pas besoin d’une réalisation rapide, il lui suffirait qu’une opération bien engagée lui fournît des moyens de crédit. Il pourrait vendre les biens disponibles par petits lots, en prenant son temps, à des prix bien soutenus et avec des facilités de paiement résultant des conditions suivantes : tout acquéreur aurait à payer comptant ou à fournir bonne caution pour le tiers du prix ; pour le surplus, il devrait emprunter au crédit foncier[1] en engageant l’immeuble dans les termes ordinaires. Les obligations foncières seraient remises à l’état par l’acheteur comme complément du prix de son acquisition. Ces obligations du crédit foncier italien seraient de deux natures, les unes générales, impersonnelles et transmissibles comme chez nous, les autres nominatives et conservant les effets d’une hypothèque spéciale sur un immeuble désigné. Cette seconde espèce de titres serait réservée au clergé. Par exemple, une paroisse a un domaine dont elle tire aujourd’hui 10,000 francs de rente ; on lui assure le même revenu en lui livrant des obligations foncières hypothéquées spécialement sur son ancien domaine, et comportant le droit de faire

  1. On essaie en ce moment même de constituer en Italie un crédit foncier.