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de s’étendre au dehors ni de se transformer au dedans, A force de vivre par l’emprunt, il poussera jusqu’à l’impossible le besoin d’emprunter. La cour de Rome a l’horreur instinctive de la publicité, le fond de ses affaires est peu connu, même des hommes d’état ; mais le partage de la dette romaine va la forcer à déposer un bilan exact, et son crédit en recevra un rude coup.

Nous attristons sans doute quelques lecteurs. On dira, avec colère peut-être, qu’il est blessant de faire dépendre les grands intérêts de la religion de l’équilibre d’un budget, et qu’au besoin les catholiques n’abandonneraient pas leur père spirituel. Oui, il en faudra venir là ; la nécessité d’une subvention régulière à fournir pour le roi-pontife par les gouvernemens ou les peuples catholiques sera une question posée, et c’est alors qu’on sortira des rêvasseries politiques et de la sentimentalité religieuse pour constater la sèche réalité. Nous avons entendu dans de beaux discours et lu dans de beaux livres que la coexistence du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel est indispensable pour assurer l’indépendance du chef de l’église. La thèse serait soutenante, si la royauté payait les frais du sacerdoce. C’est le contraire qui a lieu, et il faut que le sacerdoce quête pour la royauté. Est-ce là une bonne condition d’indépendance ? Est-ce noblesse ou servitude ? Est-il nécessaire à la majesté de la religion que son chef descende aux pratiques des souverainetés mondaines, qu’il soudoie une police et des sbires pour défendre un pouvoir contesté, qu’il tienne des postes de douane et des bureaux de loterie pour battre monnaie ? Est-il prudent de laisser le catholicisme exposé à la solidarité d’un désastre financier, et ne vaudrait-il pas mieux conjurer ce malheur par une liquidation honorable ? Et s’il est vrai que le gouvernement pontifical ne pourra se passer des secours du monde catholique, ne ferait-on pas mieux de réserver les subventions pour constituer un pouvoir purement religieux[1], une dictature morale, d’autant plus puissante et respectée alors qu’elle sera plus dégagée des influences, politiques ?

Le cours des événemens mettra bientôt ces considérations à l’ordre du jour. En attendant, la cour de Rome, comme s’il s’agissait d’un orage à laisser passer, cherche un abri pour s’y blottir ; elle ne croit pas à la durée du sortilège, elle compte sur un miracle qui brisera le pacte impie du 15 septembre. La finance est pour beaucoup dans la partie engagée entre Rome et Florence, et c’est à qui pourra tenir plus longtemps. On voit par là de quelle importance il est pour le parti national de relever son crédit. Ceci nous ramène

  1. Cela vaudrait d’autant mieux qu’il en coûterait moitié moins. Les dépenses spéciales de la cour de Rome ne tiennent pas une grande place dans le budget pontifical, ce sont les frais de police qui ont écrasé la situation à force de grossir la dette.