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sur le gros emprunt dont la réalisation est encore douteuse. Les illusions dont on se berce révèlent l’inexpérience le plus candide. Une telle situation n’est pas de nature à se prolonger longtemps.


III. — VOIES ET MOYENS.

N’est-il pas évident que, si la cour de Rome était résignée à l’abandon de sa royauté temporelle, si l’antagonisme des deux pouvoirs avait une solution classée au rang des faits accomplis, la crise financière du royaume italien ne serait un sujet d’inquiétude pour personne ? Le gouvernement papal à son dernier souffle est encore puissant et sa passivité est plus à craindre que l’action. Garanti contre la violence, il le sait bien, il lui suffit d’attendre pour que tout reste en suspens autour de lui. Il entretient ainsi, parmi ses ennemis comme parmi ses fidèles, deux courans d’agitation en seps inverse. De là une indécision fébrile, un trouble moral qu’on craint de voir dégénérer en désordre matériel. Le désordre à l’intérieur offrirait à l’étranger la seule chance de retour ; il faut rester sur la défensive, veiller l’arme au bras, et c’est ainsi qu’on est entraîné à ces dépenses sous lesquelles fléchit le nouveau régime. Supposez au contraire qu’un arrangement entre Rome et Florence ait calmé du même coup les anxiétés religieuses et les impatiences révolutionnaires, la rénovation de l’Italie prend un caractère définitif ; l’annexion de la Vénétie, reconnue inévitable, n’est plus qu’une affaire de temps, et le désarmement sur une large échelle offre une base à la réforme financière.

La solution est donc à Rome, Certes, si on l’attendait du bon vouloir du pape, on l’attendrait longtemps ; mais l’économie sociale a aussi son non possumus à l’encontre duquel tout mysticisme viendra s’émousser. Qu’un pouvoir spirituel se flatte d’être impérissable, cela se conçoit ; mais une souveraineté temporelle, quelle que soit l’enseigne, est fatalement un atelier de production et de consommation, qui doit crouler lorsqu’il y a impossibilité bien constatée de joindre les deux bouts. Les gouvernemens ordinaires ont des moyens de se rattraper, quand ils se sentent glisser vers l’abîme ; le gouvernement papal n’en a aucun : la convention qui lui permet d’exister lui fait des conditions d’existence impossibles, — « Avec sa grande capitale sans province, a dit le cardinal Antonelli, l’état romain ressemble à une tête sans corps, ou a un corps de nain dont les organes vitaux ne peuvent servir qu’à une nutrition imparfaite et à une respiration asthmatique. » Le régime du 15 septembre a débuté avec une dépense à peu près double de la recette, et il n’a pas les moyens, pour augmenter ses ressources,