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L’accueil fait au plan de M. Sella ne lui permettait pas de garder son portefeuille. Les hommes laborieux et éclairés ne sont pas rares en Italie : ce qui manque depuis la mort de Cavour, ce sont les chefs autorisés, les leaders, qui montrent la voie et ont puissance d’entraîner. Il faut créer ces noms qui deviennent des forces. Le président du conseil appela donc à la direction des finances un économiste qui a professé sa science avec éclat, M. Scialoja, de Naples. L’impatience fébrile du public et de l’assemblée ne laissa au nouveau ministre que peu de jours pour débrouiller les faits et préparer un autre plan. Il put développer son programme dans la séance du 23 janvier.

M. Scialoja a pris à tâche de dépasser son prédécesseur dans la voie des économies : il croit possible de retrancher sur la guerre et la marine 30 millions au lieu de 9, et sur les services administratifs 26 millions au lieu de 21. Ainsi, le budget des dépenses serait allégé de 56 millions, et il n’y aurait déjà plus que 210 millions à tirer de l’impôt pour établir l’équilibre. Dans la partie ingrate de sa tâche, celle qui consiste à trouver des sources nouvelles, l’homme d’état s’est trop laissé éclipser par le professeur. M. Scialoja paraît avoir oublié qu’il parlait, non plus devant un auditoire cherchant la vérité abstraite, mais dans une assemblée composée en grande partie de propriétaires chez qui le sentiment de la conservation et la crainte des nouveautés sont instinctifs. Les contributions directes en Italie sont actuellement au nombre de trois : l’impôt prédial, qui pèse sur la terre cultivable et a pour mesure le cadastre, l’impôt sur les bâtimens de ville ou de campagne, l’impôt sur la richesse mobilière, qui a la prétention d’atteindre les rentes, les capitaux et les revenus professionnels. Les propriétaires ruraux, qui forment la classe la plus considérable dans un pays essentiellement agricole, paient les deux premières taxes, mais ils ne sont pas atteints par la troisième. Ce cadre fiscal, suivant M. Scialoja, est défectueux, et il propose de le remanier.

Beaucoup de gens pensent, et non sans raison, qu’un impôt unique sur les revenus, si on parvenait à l’appliquer très régulièrement, serait l’idéal en matière de fiscalité ; mais l’income-tax ne s’est pas introduit dans les législations financières de notre temps avec ce caractère absolu : il a été accepté comme un expédient. Le principe en faveur chez les financiers contemporains est de faire prévaloir les impôts indirects ; mais les consommations de la multitude n’allant pas aussi vite dans leur développement que les dépenses des états, on a dû s’adresser aux classes favorisées : la nécessité a fait loi. L’impôt sur les revenus en Angleterre a été présenté comme un subside en addition aux autres charges et