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que, d’après le traité du 14 août 1865, le gouvernement impérial n’était soumis à aucun contrôle dans l’administration du Holstein, et qu’il accordait la même indépendance au gouvernement prussien dans le Slesvig. M. de Mensdorff protestait ensuite avec vivacité contre l’accusation de favoriser des tendances révolutionnaires, et quant à cette autre accusation de nourrir des sentimens hostiles à la Prusse, il priait le cabinet de Berlin de jeter seulement un coup d’œil impartial sur le passé le plus récent. « Si le gouvernement du roi considère les affaires de l’Allemagne, il sera frappé du fait que, loin de vouloir former une coalition contre la Prusse, nous avons fait passer positivement nos relations avec les états secondaires après l’alliance avec la Prusse, nous leur avons même porté un préjudice des plus sérieux… » Il va sans dire que le ministre de Guillaume Ier considéra la dépêche du 7 février comme un refus à ses justes demandes ; il déclara immédiatement au comte Karolyi que les relations de la Prusse avec l’Autriche cessaient d’être cordiales, et qu’il s’abstiendrait désormais de toute communication avec le gouvernement de Vienne au sujet des duchés. Le silence de M. de Bismark devait être la leçon de l’empereur François-Joseph, — la première leçon, bien entendu.

M. de Bismark pensa en même temps à l’opportunité d’un autre silence encore. Il venait à peine (15 janvier 1866) de réunir les chambres sous les nouveaux auspices du magnifique arrêt de la haute cour qui autorisait le gouvernement à poursuivre tout député pour les discours qu’il tiendrait, et déclarait ainsi que dans cette Prusse, constitutionnelle au rebours, c’était non pas le pouvoir exécutif, mais le pouvoir législatif qui était responsable !… Dans un moment aussi grave toutefois, le galant ministre crut devoir épargner à la représentation nationale jusqu’à l’occasion d’un délit, et il résolut de faire complètement taire « les voix sonores de messieurs les orateurs[1]. » D’ailleurs, et dès le début de la session, la fameuse Gazette de la Croix avait à cet égard charitablement prévenu le public. « Les députés, avait dit l’excellente feuille, ne sont que les locataires de la chambre, et la question de savoir si et combien de temps ils y resteront dépend uniquement du bon plaisir du propriétaire. » — Berlin, lui aussi, avait sa grave question des loyers, comme telle grande capitale de l’Europe ! Donc le propriétaire donna congé aux locataires, et la clôture fut brusquement prononcée le 22 février 1866.

Le lendemain de la clôture, M. de Bismark recevait une nouvelle

  1. Die sonoren Stimmen der Herren Redner, expression mémorable de M. de Bismark dans une des séances de la chambre prussienne, en 1863.