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allures plus fermes et des voies plus droites, surtout après que le comte Mensdorff-Pouilly eut remplacé M. de Rechberg au département des relations extérieures (octobre 1864). S’il était permis de rappeler, en le modifiant quelque peu, un met jadis célèbre, on pourrait dire que l’Autriche entendait n’être sortie du droit, — du droit européen, — que pour rentrer aussitôt dans la loi, dans la loi fédérale, dans ses obligations envers le Bund, « Est-ce bien la loi ? » demande l’un des fossoyeurs dans la fameuse scène de Hamlet, et l’autre de lui répondre : « C’est du moins la loi des avocats (crowner’s-quest law)… » — Eh bien ! d’après la loi de ces avocats et fossoyeurs tudesques qui avaient enterré le traité de Londres, le devoir des deux grandes puissances allemandes était tout tracé, et l’Autriche en effet déclarait vouloir s’y conformer en tout point. C’était au nom du Bund que les deux puissances avaient « pris en leurs mains » l’exécution fédérale ; c’était en son nom et pour la défense de ses droits qu’elles avaient fait la guerre au Danemark et « délivré » le Slesvig-Holstein : c’était donc au Bund qu’elles devaient laisser le règlement définitif du sort des duchés. Aussi l’Autriche s’inclinait-elle devant la compétence du Bund et ne demandait-elle pas mieux que de reconnaître le protégé de ce Bund, le prince Frédéric Augustenbourg, comme le souverain légitime des pays de l’Elbe. Ce personnage médiocrement intéressant, ce Disgustenbourg, comme on disait en 1864 dans les salons de Londres, et dont le nom rappellera toujours une grande félonie et une grosse somme de rixdalers indûment encaissés, il n’en était pas moins « l’agnat » préconisé de longue date par les zélateurs du slesvig-holsteinisme, l’homme du destin, le « prince héréditaire, » le prétendant en effet le plus sérieux ou du moins le plus inoffensif à la succession des duchés, une fois que les droits sacrés et séculaires du Danemark se trouvaient être mis à néant. Ainsi l’avaient proclamé de tout temps les états secondaires, les législateurs du Bund, les peuples de l’Allemagne, les peuples des duchés ; ainsi l’avait même proclamé un jour, et dans la circonstance la plus solennelle, un homme compétent entre tous, M. de Bismark-Schœnhausen en personne. Sommé un jour par la conférence de Londres de formuler ses exigences, M. de Bismark avait présenté à la sixième réunion de cette conférence, et conjointement avec l’Autriche, une déclaration péremptoire qui demandait « la réunion des duchés de Slesvig et de Holstein en un seul état sous la souveraineté du prince héréditaire de Slesvig-Holstein-Sonderbourg-Augustenbourg. » Et M. de Bismark avait eu soin d’ajouter dans la même déclaration que ce prince « pouvait non-seulement faire valoir aux yeux de l’Allemagne le plus de droits à la succession et que sa reconnaissance par