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comprendre Quelques détachemens de troupes européennes, afin de donner aux régimens indigènes la cohésion qui leur fait quelquefois défaut lorsqu’ils sont abandonnés à eux-mêmes.

Ils est incontestable que les Bhotanèses disposaient alors de forces assez considérables : leurs troupes étaient, il est vrai, mal équipées et mal armées, ils n’avaient que des notions stratégiques très imparfaites ; mais par compensation ils connaissaient à merveille le pays où ils combattaient et savaient tirer bon parti des obstacles naturels de leur territoire. Sous le rapport de la précision et de la portée, leurs armes de jet luttaient sans désavantage contre les carabines européennes ; mais leurs palissades ne pouvaient tenir contre le canon. Chaque défilé de la montagne fut repris à son tour ; certains forts furent protégés par de nouveaux travaux de défense et pourvus d’une garnison suffisante ; d’autres, que l’on désespérait de conserver, furent détruits. Au mois d’avril 1865, lorsque la saison des chaleurs vint mettre un terme aux opérations actives, les Anglais, après avoir encore perdu beaucoup de monde dans une multitude de petits combats, se retrouvaient en possession de tous les points qui donnent accès dans la montagne. La querelle n’était pas vidée, le pays n’était point pacifié ; cependant on ne pouvait que se tenir sur la défensive jusqu’à la fin de l’année.

Dans les derniers mois de 1865, les hostilités ont été reprises ; mais la marche des opérations et l’état des affaires ne peuvent, on le comprend, être encore bien connus par le détail. Il paraîtrait néanmoins qu’au lieu d’agir comme précédemment sur toute l’étendue de la ligne frontière, le gouvernement de l’Inde a organisé deux fortes colonnes qui devaient pénétrer dans le Bhotan chacune de son côté. L’une, dans la direction de Poonakha, aurait eu affaire au penlow de Paro et au prétendu gouvernement central des dhurma et deb rajahs ; l’autre marcherait sur la ville de Tongso et réduirait, s’il est possible, le penlow qui y commande. Un peu plus tard, on a annoncé que le deb rajah, effrayé des préparatifs militaires dirigés contre lui, avait consenti par un traité à céder aux Anglais le territoire que ceux-ci s’étaient précédemment annexé, à la condition toutefois que le gouvernement de l’Inde lui paierait en compensation une rente annuelle de 25,000 roupies ; mais le tongso penlow, auquel on demandait en outre de restituer les deux canons capturés à Dewangiri, s’est refusé à cet arrangement. C’est donc contre ce dernier chef et contre son territoire que la guerre se continue aujourd’hui. La lutte sera longue, ou, si elle s’arrête bientôt, on a de bonnes raisons de croire que la trêve ne sera que momentanée.

Ne comprendra-t-on pas maintenant cruel embarras le