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Bengale, l’atmosphère devient tempérée ; après quelques heures d’ascension, on se croirait presque transporté sous le climat d’Europe. A la troisième étape, après l’entrée dans la montagne, on arrive à Darjeeling, petite ville de création récente, située à plus de 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer.

En 1828, le capitaine Lloyd, devenu depuis général, et le résident du Népaul, M. Malda, étaient occupés à régler des questions de frontières entre le Népaul et le petit état voisin de Sikim, lorsqu’ils eurent occasion de visiter la chaîne de montagnes qui était devant eux. En passant sur le lieu où se trouve maintenant Darjeeling, ils se dirent que cet endroit convenait à merveille pour l’établissement d’une station de convalescence, d’un sanitarium où les serviteurs de la compagnie des Indes iraient se remettre en quelques mois des fatigues et des maladies causées par un séjour prolongé sous le climat tropical du Bengale. Au sommet de la montagne, on voyait les ruines d’un monastère de lamas, ça et là des huttes, mais peu d’habitans. En somme, le pays était sans importance, et le rajah de Sikim consentit à le céder à la compagnie moyennant une redevance annuelle de 3,000 roupies. Le capitaine Lloyd eut mission de créer en 1835 l’établissement hospitalier dont il avait donné l’idée. Il y fut remplacé quatre ans plus tard par le docteur Campbell, qui, dans une longue et habile administration de vingt-deux années, développa les élémens de succès de ce petit centre de population. Les routes furent améliorées ; on fit des ponts sur les torrens, on bâtit une église, un bazar, et d’autres édifices publics à Darjeeling même, — un hôpital pour deux cents soldats à deux ou trois cents mètres plus haut, — et presqu’à la cime de la montagne, presque dans les nuages, à Senchal, des casernes pour la garnison. L’établissement s’agrandit d’ailleurs de lui-même. Des Européens vinrent y fixer leur résidence et construisirent aux environs une foule de petites maisons qu’ils louent aujourd’hui encore toutes meublées aux officiers et employés civils qui s’y rendent en convalescence pour rétablir leur santé. On n’ignore pas à quel point l’élévation au-dessus du niveau de la mer modifie le climat. Il n’y a en réalité dans toute l’Europe aucun point habité qui soit aussi élevé que Darjeeling, sauf l’hospice du Grand-Saint-Bernard, qui est bloqué par les neiges pendant une grande partie de l’année. Ce n’est qu’entre les tropiques, dans les grands massifs montagneux du Mexique et de l’Amérique centrale, que l’on rencontre des villes et des villages à une altitude égales, souvent même supérieure.

Lorsqu’on est sur la montagne de Darjeeling et gue l’on tourne le dos aux plaines du Bengale, la vue s’étend à gauche sur l’état indépendant de Népaul, adossé à la partie la plus élevée de la