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teur quand il plaide contre les entreprises des états européens qui portent ombrage à ses principes ou à ses intérêts, on aurait le droit d’attendre de lui qu’il saura faire respecter les intérêts légitimes des peuples de notre vieux monde par les aventuriers qui abusent de l’hospitalité américaine. Une épreuve de ce genre se présente dans le bel exploit qu’une troupe de fenians vient d’accomplir dans le Haut-Canada. Ces fenians ont tué des Canadiens. Ils se sont emparés d’un fort. Cet acte de brigandage ne saurait demeurer impuni. Ceux qui l’ont accompli ont violé les lois américaines, Le souvenir des souffrances que les corsaires confédérés ont infligées au commerce des États-Unis ne saurait entrer en balance avec un acte de flibustiérisme aussi caractérisé. M. Seward ne se laissera point égarer par des préjugés nationaux ; il prendra, nous n’en doutons point, les mesures nécessaires pour punir et prévenir des violations aussi odieuses du droit des gens. e. forcade.



REVUE MUSICALE.




De vieilles histoires qu’on raconte à nouveau, de vieux sujets qu’on rhabille, — d’anciens mannequins rempaillés, peinturlurés, dont pour la millième fois on monte le ressort et qu’on lance devant un public indifférent qui lorgne du côté de la salle, tout yeux pour les coups d’éventail de la petite princesse Araminthe, pour les minauderies d’Arsinoé et le maquillage de ces demoiselles Benoîton, tout oreilles pour l’anecdote, le mot, la calembredaine du matin, et donnant le reste de son attention à ce qui se débite sur la scène ou dans l’orchestre, — voilà donc le théâtre aujourd’hui. Toujours les mêmes spectateurs devant la même pièce, dont le même feuilleton du lundi rendra compte ! Variété, décidément tu n’es pas de ce monde ! L’Opéra-Comique veut changer son affiche, se faire un spectacle d’été ; qu’invente-t-on ? Zilda, une manière de Calife de Bagdad, et pour accompagner dignement cette turquerie, la Colombe, un fabliau-pendule dans le goût de Jean de Paris. Il est vrai qu’en cette débâcle des librettistes, on avait beaucoup compté sur les musiciens, M. de Flotow, M. Gounod, deux noms faits pour se rencontrer sur une affiche, deux maîtres également célèbres par une seule partition, hommes unius libri ! L’un écrivit Martha, l’autre Faust, et tous les deux partagent cette destinée de ne pouvoir, quoi qu’ils fassent, sortir de là. On dirait deux oiseaux de Jupiter empêtrés dans une toison, proie superbe en vérité, mais qui les a conquis à tout jamais : rien en-deçà, rien au-delà. Grâce à un caprice de Mario, à l’initiative de deux ou trois cantatrices italiennes pointant dans leur