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chambre dans le contrôle des mesures politiques qui rendraient nécessaires des crédits supplémentaires. La chambre devrait être convoquée ; les propositions de crédits lui seraient soumises, et elle aurait la libre appréciation de la politique pour laquelle la dépense serait réclamée. Il était superflu sans doute pour le gouvernement d’affirmer qu’il exécuterait une loi émanée de son initiative. Cependant il faut savoir gré à M. Rouher de la condescendance politique avec laquelle il a fait cette déclaration. Le ministre s’est montré sensible aux anxiétés de l’opinion ; il a compris qu’il ne fallait point, dans les circonstances actuelles, être avare de paroles rassurantes. Et en effet rien ne démontre mieux au public la solidité de la confiance du gouvernement dans le maintien de la paix pour la France que sa persistance à maintenir le budget dans ses limites ordinaires et la nécessité où il se place de convoquer la chambre, si les événemens devaient modifier sa politique.

La discussion générale du budget amenait naturellement une question qui en un autre temps aurait pu donner lieu à un débat approfondi, mais qui est rejetée dans l’ombre par la crise européenne. Nous voulons parler de l’affaire du Mexique. La question mexicaine est maintenant une chose du passé ; elle ne peut plus, grâce à Dieu, nous faire de mal, puisque le gouvernement a fixé la date du retour de nos troupes. L’inquiétude qu’inspirent les périls futurs font aisément oublier les maux passés. Cet épisode de la politique contemporaine se représentera sans doute en temps plus opportun aux discussions des chambres : on n’en a point fini encore avec la liquidation financière de l’entreprise mexicaine, et il faudra que la majorité de la chambre, qui s’est montrée si intolérante envers M. Jules Favre, prête un jour une attention plus résignée aux orateurs qui auront à discuter cet onéreux bilan. La conséquence de cette entreprise qui nous inspire le plus vif regret est la correspondance diplomatique à laquelle elle a donné lieu entre notre gouvernement et celui des États-Unis. Cette conséquence pouvait être prévue et prévenue à temps. Nous-mêmes, plusieurs mois avant la fin de la guerre civile américaine, nous signalions le moment critique où il importait à la France d’avoir terminé son expédition par un acte de volonté spontanée. La victoire du nord était certaine plusieurs mois avant d’être accomplie, et il eût été prudent de nous épargner le fardeau des doléances et des remontrances américaines. Il est douloureux d’avoir à supporter une dépêche aussi désagréable dans sa diffusion que celle de M. Seward, datée du 12 février 1866. Quoi qu’on fasse, l’erreur de l’entreprise du Mexique est désormais inscrite dans l’histoire ; il n’y a plus qu’à en tirer avec une intelligence virile des enseignemens aussi profitables aux gouvernemens qu’aux peuples sur les périls de l’esprit d’initiative exercé avec trop de confiance et de liberté en matière de politique étrangère.

Si le gouvernement des États-Unis est un rude et opiniâtre argumenta-