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niques commises par la Prusse dans les duchés ? Quand on applaudit à l’unanimité généreuse avec laquelle la nation italienne travaille à l’œuvre de son indépendance et de son unité, peut-on assister de sang-froid aux brutalités par lesquelles M. de Bismark répond à l’explosion de l’esprit public en Allemagne et même en Prusse ? L’empereur trouve qu’il est juste de demander à l’Autriche, puisqu’elle a fait au Danemark une guerre au nom de la nationalité allemande, de reconnaître le même principe en Italie ; mais ne serait-il pas juste que M. de Bismark, qui a fait la même chose et qui a embauché l’Italie, reconnût le même principe envers le Slesvig-Holstein et envers ses propres confédérés allemands ? Du côté de l’Italie, il y a encore le prestige moral d’un peuple qui marche à l’indépendance nationale par la liberté ; chez la Prusse de M. de Bismark, il n’y a qu’une ambition conquérante qui a besoin de fouler aux pieds la liberté pour accomplir ses desseins sinistres. L’Italie va à la guerre pour faire triompher la cause des Italiens de Venise et non par fureur contre l’Autriche ; M. de Bismark affiche contre son ennemi des sentimens haineux qui n’ont point l’excuse d’une passion nationale, et dont l’expression descend, dans une de ses dernières dépêches, au ton le plus grossier de l’insulte. L’empereur a exprimé le désir que l’Autriche conserve sa grande position en Allemagne, et M. de Bismark affiche la prétention de l’exclure de la confédération. L’empereur voudrait pour les états secondaires de la confédération une union plus intime, une organisation plus puissante, un rôle plus important, et M. de Bismark, par son projet de réforme fédérale, soulève contre lui la plupart des états secondaires et jusqu’au Hanovre, que fascinait cependant d’habitude le voisinage redouté de la Prusse. Comment la France pourrait-elle demeurer inattentive devant ces contradictions qui forment un chaos dans la région des idées, et qui vont maintenant s’imprimer en taches de sang sur le terrain des champs de bataille ?

L’imminence de la lutte doit nous rendre sobres de conjectures. Une seule et dernière formalité semble devoir précéder en Allemagne le commencement des hostilités. La diète, à cette heure même, est appelée à prononcer la mobilisation de l’armée fédérale, qui ne peut être motivée que par l’entrée des troupes prussiennes dans le Holstein. Il s’agit de voter l’exécution fédérale contre le gouvernement prussien sur la proposition de l’Autriche, que la Prusse veut exclure de la confédération. Si, ce qui est probable, la majorité de la diète sanctionnait la proposition autrichienne, la cour de Vienne aurait réussi de la sorte à mettre de son côté toutes les formes de la légalité germanique actuelle. La Prusse, malgré les menaces qu’elle adresse aux états qui voteraient la mobilisation de l’armée fédérale, ne peut donc guère compter sur la neutralité de la Bavière et des états voisins. Dans un excellent discours qu’il a prononcé devant la chambre bavaroise, M. von der Pfordten a déclaré que la Bavière et les états moyens se prononceraient contre celle des deux puissances qui mé-