Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/1041

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait apportées dès le samedi. Quand les gouvernemens sont soumis à ces méprises ou à ces retards d’informations, ceux qui ne sont que du public ne sauraient être à l’abri des erreurs. Parmi ces erreurs, il en est une où, pour notre part, nous tomberons toujours volontairement. Malgré les démentis que les événemens nous ont souvent donnés, nous supposerons toujours, quand une conférence est annoncée et quand les invitations sont parties, que les gouvernemens intéressés sont d’accord sur les principes généraux qui doivent guider la délibération. Ici, par exemple, on devait croire que l’Autriche, si elle adhérait à la conférence, acceptait en principe la cession de la Vénétie moyennant compensation. La conférence aurait dû être précédée de négociations particulières où eussent été fixés les points généraux du débat. On ne comprend point que de grands gouvernemens se réunissent avec fracas, sous le regard du public excité à des espérances illusoires, dans une délibération commune, laquelle, faute d’explications préalables, pourrait être rompue dès la première séance. Cela serait arrivé infailliblement dans la conjoncture présente, si l’Autriche eût envoyé une acceptation vague, au lieu de prendre ses précautions d’avance. Tous les premiers ministres qui nous étaient annoncés eussent fait le voyage de Paris pour avoir un entretien unique et stérile. L’Autriche, en posant ses réserves, a du moins épargné à l’Europe la déception ridicule d’une pompeuse démarche. Elle a évité pour son compte le péril de compromettre les puissances neutres dans une union plus étroite avec ses adversaires naturels par les froissemens qu’auraient pu causer ses refus arrivant après des propositions catégoriquement articulées.

Après l’avortement de la conférence, aucune illusion pacifique n’est plus possible, et nous sommes en face de la guerre. On a bien cru à la vérité, il y a quelques jours, que tout n’était point décidé à Berlin. Le vieux roi, disait-on, dans ce moment suprême, a été encore en proie à de pénibles perplexités ; on supposait qu’il eût pu être sensible aux vives instances de quelques princes allemands ; M. de Bismark, disait-on, n’était point entièrement maître de son souverain. L’énergie soldatesque du général Manteuffel est venue en aide à la politique de l’audacieux ministre. Celui-ci aurait, dit-on, transmis à dessein au général sur l’occupation du Holstein des instructions insuffisantes. Le général Manteuffel, laissé à lui-même, a rendu impossible par ses actes de brutale compression toute temporisation plus longue. L’autorité que le général prussien s’est arrogée dans le Holstein, la dispersion des états, l’arrestation du commissaire de l’Autriche, mettaient nécessairement à bout la patience de la cour de Vienne. Le rappel des ambassadeurs ne devance évidemment que de peu de jours l’ouverture des hostilités.

En présence de cette grave épreuve d’une grande guerre continentale qui ne peut plus être détournée, l’empereur, a compris que son gouvernement devait éclairer le pays sur les vues et la direction de la politique