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mesure surtout elle touche à toutes les politiques. Ce qui n’est pas douteux, c’est que si la France, pour le moment fixée dans la neutralité, qui semble être son rôle, n’a point à prendre parti pour la Prusse contre l’Autriche ou pour l’Autriche contre la Prusse, elle est intéressée à tout ce qui se prépare au-delà des Alpes, non-seulement parce qu’elle a fait la guerre de 1859, mais parce qu’elle est liée à tous les mouvemens, à la situation, à l’avenir de l’Italie actuelle. Je ne parle pas précisément de ces solidarités inévitables qui naissent de l’enchevêtrement des choses, de ces conséquences qui semblent suivre pas à pas chacun des actes de la France, l’unité sortant de la paix de Villafranca, la convention du 15 septembre conduisant à la revendication de la Vénétie : à part ces considérations morales générales, il y a un lien intime, indissoluble, qui est dans la nature même des situations, qui fait que la neutralité de la France ne peut pas être une neutralité véritable.

Si l’Italie est victorieuse du premier coup, rien de mieux ; elle aura vaincu sans nous. Elle sera libre, elle ne nous devra point de reconnaissance ; la reconnaissance d’ailleurs à peu de place en politique. D’autres éventualités cependant sont évidemment possibles. L’Autriche se souviendra que c’est à la France qu’elle a cédé la Lombardie, je l’admets ; elle s’en souviendra, quoiqu’elle ait contesté d’autres fois la validité de cette garantie depuis les transformations de l’Italie : elle s’en souviendra, si l’on veut, par prudence ; mais elle n’a pas pris d’engagemens sur tout le reste, elle est même diplomatiquement libre en présence des actes que le gouvernement français a multipliés pour se dégager de toute responsabilité vis-à-vis de l’unité italienne. Serait-il cependant indifférent pour la France aujourd’hui, pour son influence, de voir l’unité s’évanouir devant les armes autrichiennes, l’Italie refondue, ramenée même à 1859 ? Je comprends : il y a même au-delà des Alpes, chez les ennemis avoués ou secrets de l’Italie, une pensée qui se fait jour quelquefois. J’en ai recueilli plus d’un témoignage. Restaurer le passé, dit-on, c’est impossible ; les princes d’autrefois, Bourbons et archiducs, se sont perdus, et leur règne est fini. Il n’est même pas nécessaire de rendre les légations au pape. On convient de tout cela ; mais c’est ici que commence la tactique. On espère encore peut- être raviver l’idée d’une confédération en se faisant un appui de ce qu’on croit être la préférence secrète de la France, et qui sait ? — en demandant des princes à l’empereur Napoléon. Or est-ce là ce qui est possible ? Outre que cette confédération serait bien éphémère, la politique française pourrait-elle tomber dans un piège d’où elle ne se relèverait le lendemain que pour se retrouver en face de toutes les défiances européennes excitées sans profit ? Et si la