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maîtres d’école. Sous l’inspiration de M. Cousin et à l’exemple de ce qui se fait en Allemagne, la loi de 1833 avait admirablement pourvu à cette nécessité ; elle avait décidé que chaque département serait obligé d’entretenir une école normale primaire. Conçu dans un esprit de réaction haineuse contre l’instruction laïque et contre les instituteurs qui en étaient les représentans, la loi de M. de Falloux eut pour but de désorganiser et d’amoindrir l’enseignement normal. Sous prétexte qu’on avait transformé les instituteurs en demi-savans incrédules, envieux, impatiens, en socialistes enfin, on réduisit le nombre des matières enseignées, et on abaissa le niveau des études. N’ayant, disait-on, à apprendre aux enfans qu’à lire et à écrire, ils n’avaient pas besoin eux-mêmes d’en savoir davantage. Profonde erreur ! pour communiquer aux autres les plus humbles connaissances, il faut avoir soi-même l’esprit ouvert, éclairé. Pour donner le goût de la lecture, il faut que le maître puisse en montrer les avantages en donnant aux élèves quelques notions de morale, d’histoire, de sciences naturelles, d’agronomie, non point d’une manière didactique, mais par des exemples, des récits, des anecdotes, au moyen de quelques explications simples et claires. Sans revenir au régime de 1833, on s’en est rapproché dans la pratique, tant les effets de la loi de 1850 étaient mauvais. On compte aujourd’hui en France 107 établissemens spécialement chargés de former des maîtres pour les écoles publiques, à savoir : 76 écoles normales, 7 cours normaux et 24 écoles stagiaires. Ces établissemens contiennent 3,359 élèves, fournissant en moyenne un millier de sujets admis aux examens. C’est trop peu, car on estime que le nombre des places vacantes est annuellement de 1,451. L’administration est donc forcée de faire appel à plus de 400 candidats formés hors de ses établissemens. Pour le recrutement des institutrices, il existe 13 écoles normales et 53 cours normaux, donnant l’instruction à 1,200 élèves maîtresses, dont 401 sont admises à l’examen. La situation des instituteurs a été notablement améliorée dans ces dernières années. Après cinq ans de service le minimum légal est actuellement de 600 et de 700 francs pour les maîtres, de 400 et de 500 fr. pour les institutrices. La moyenne du traitement était en 1863 de 798 fr.[1]. Le traitement actuel, quoique augmenté et combiné ordinairement avec la jouissance d’une habitation, est encore bien inférieur à ce qu’il devrait être. L’humble maître d’école, on l’oublie trop, remplit dans notre société la plus haute mission : c’est lui qui est chargé de former l’esprit du souverain

  1. Par une inexplicable anomalie, les instituteurs congréganistes, qui n’ont pas à pourvoir aux besoins d’une famille, sont mieux rétribués que les laïques ; ils touchent en moyenne 824 francs.