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communes rurales ne possèdent point un groupe de personnes capables de diriger l’école ou disposées à le faire. Le comité communal se montra souvent tracassier, ignorant. Le comité d’arrondissement, bien composé, était éloigné et par suite lent à l’action, indifférent, inerte. On a depuis supprimé ces institutions, et c’est à tort : elles étaient peut-être peu utiles ; mais, l’intérêt pour l’instruction se répandant, elles pouvaient le devenir. C’était beaucoup déjà que de forcer dans tout le pays un certain nombre d’hommes à s’occuper de temps en temps de l’enseignement. Comment d’ailleurs réveiller le goût et introduire l’habitude de l’administration locale, sinon en imposant aux localités le soin de gérer leurs propres affaires ? La loi de 1833 avait mal réglé le mode de nomination de l’instituteur : le conseil communal présentait une liste dans laquelle le comité d’arrondissement devait faire son choix ; c’est le contraire qu’il aurait fallu. — C’est l’autorité supérieure, mieux instruite et ayant des vues plus larges qui aurait dû arrêter une liste où elle pouvait avoir égard aux droits de l’avancement et du mérite ; c’eût été ensuite à l’autorité locale de choisir d’après ses convenances et ses sympathies. Une dernière lacune, la plus regrettable de toutes, a été signalée dans la Revue même avec une grande force par M. Jules Simon. Rien n’avait été fait pour l’instruction des filles ; M. Guizot avait consacré à cet objet un titre entier, il dut l’abandonner. Il resta pour les filles l’école commune aux deux sexes ou l’école des congréganistes. Celle-ci l’emporta, et comme la femme est le centre de la famille et l’inspiration du foyer, peu à peu l’influence ultramontaine s’est glissée dans le pays et a fait les dangereux progrès que l’on constate chaque jour.

Malgré ses imperfections et ses lacunes, la loi de 1833 donna des résultats remarquables, grâce à l’impulsion imprimée aux différentes administrations. Le nombre des écoles normales s’éleva de 13 en 1830 à 76 en 1838, fréquentées par plus de 2,500 élèves. Pendant les quatre années qui s’écoulèrent de 1834 à 1838, 4,557 écoles communales s’ajoutèrent aux 10,316 existant déjà. En 1849, 3 millions 1/2 d’enfans participaient à l’instruction primaire, tandis qu’en 1832 il n’y en avait que 1,935,624 : le progrès était donc magnifique ; mais il n’avait été obtenu que par l’intervention énergique du pouvoir central. Il avait fallu imposer d’office 20,961 communes, c’est-à-dire plus de la moitié, pour les dépenses obligatoires de l’enseignement, tant les campagnes en comprenaient peu l’utilité. Qu’on préconise encore l’autonomie locale en fait d’enseignement !

Sous la république de 1848, M. Carnot, comprenant que des institutions démocratiques et libres ne peuvent s’établir que par la diffusion des lumières, déposa un projet de loi qui rendait