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formes sociales. Il semble que le panthéisme réponde au système des castes, comme le monothéisme à la monarchie et le polythéisme à la république. M. Vacherot reconnaît dans la théologie hermétique des pensées et des expressions néoplatoniciennes, d’autres empruntées à Philon et aux livres juifs ; il est facile d’y reconnaître aussi le panthéisme égyptien dépouillé de ses formes symboliques et revêtu des formes abstraites de la philosophie grecque. Ainsi dans une inscription du temple de Saïs citée par Plutarque et par Proclus, Neith disait : « Je suis tout ce qui est, ce qui a été, ce qui sera. » D’après M. de Rougé, le Dieu suprême est défini dans plusieurs formules du Rituel funéraire comme « celui qui existe par lui-même, » — « celui qui s’engendre lui-même éternellement ; » d’autres textes le nomment « le Seigneur des êtres et des non-êtres. » C’est bien là ce Dieu du panthéisme hermétique par qui et en qui tout existe, ce père universel dont la seule fonction est de créer, celui dont les livres d’Hermès nous disent : « L’Éternel n’a pas été engendré par un autre, il s’est produit lui-même, ou plutôt il se crée lui-même éternellement ; » — « si le créateur n’est autre que celui qui crée, il se crée nécessairement lui-même, car c’est en créant qu’il devient créateur ; » — « il est ce qui est et ce qui n’est pas. » L’idée que les anciens textes rendent par ua en ua, le un de un, le πρώτος τοϋ πρώτου de Jamblique, ou par pau ti, le Dieu double ou être double, c’est-à-dire père et fils, selon la face du mystère qu’on veut principalement considérer, se retrouve aussi dans les livres d’Hermès, où il est souvent question du fils de Dieu, du Dieu engendré. Ce second Dieu est le monde, manifestation visible du Dieu invisible. Quelquefois ce rôle est attribué au soleil, qui crée les êtres vivans, comme le Père crée les essences idéales. Sous cette forme, la pensée hermétique se rapproche de l’ancienne théologie égyptienne. « Une stèle du musée de Berlin, dit M. Mariette, appelle le soleil le premier-né, le fils de Dieu, le Verbe. Sur l’une des murailles du temple de Philae… et sur la porte du temple de Medinet-Abou, on lit : « C’est lui, le soleil, qui a fait tout ce qui est, et rien n’a été fait sans lui jamais ; » ce que saint Jean, précisément dans les mêmes termes, dira quatorze siècles plus tard du Verbe[1]. » Le troisième dieu des livres hermétiques, l’homme considéré dans son essence abstraite, n’est pas sans analogie avec Osiris, qui est quelquefois pris pour le type idéal de l’humanité ; dans le Rituel funéraire, l’âme qui se présente au jugement s’appelle toujours « l’osiris un tel. » Cette trinité hermétique, Dieu, le monde, l’homme, n’est pas plus éloignée

  1. Mariette, Mémoire sur la mère d’Apis.