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soulèvent méritent à ce titre l’attention la plus sérieuse de la critique moderne.

Sans doute l’avènement du christianisme présente, au premier abord, l’aspect d’une révolution radicale dans les mœurs et dans les croyances du monde occidental ; mais l’histoire n’a pas de brusques changemens ni de transformations imprévues. Pour comprendre le passage d’une religion à une autre, il ne faut pas opposer entre eux deux termes extrêmes, la mythologie homérique et le symbole de Nicée ; il faut étudier les monumens intermédiaires, produits multiples d’une époque de transition où l’hellénisme primitif, discuté par la philosophie, s’altérait chaque jour davantage par son mélange avec les religions de l’Orient, qui débordaient confusément sur l’Europe. Le christianisme représente le dernier terme de cette invasion des idées orientales en Grèce. Il n’est pas tombé comme un coup de foudre au milieu du vieux monde surpris et effaré. Il a eu sa période d’incubation, et pendant qu’il cherchait la forme définitive de ses dogmes, les problèmes dont il poursuivait la solution préoccupaient aussi les esprits en Grèce, en Asie, en Égypte. Il y avait dans l’air des idées errantes qui se combinaient en toute sorte de proportions.

La multiplicité des sectes qui se sont produites de nos jours sous le nom de socialisme ne peut donner qu’une faible idée de cette étonnante chimie intellectuelle qui avait établi son principal laboratoire à Alexandrie. L’humanité avait mis au concours de grandes questions philosophiques et morales, l’origine du mal, la destinée des âmes, leur chute et leur rédemption : le prix proposé était le gouvernement des consciences. La solution chrétienne a prévalu et a fait oublier les autres, qui se sont englouties pour la plupart dans le naufrage du passé. Quand nous en retrouvons une épave, reconnaissons l’œuvre d’un concurrent vaincu et non d’un plagiaire. Le triomphe du christianisme a été préparé par ceux même qui se croyaient ses rivaux et qui n’étaient que ses précurseurs ; ce titre leur convient, quoique plusieurs soient contemporains de l’ère chrétienne, d’autres un peu postérieurs, car l’avènement d’une religion ne date que du jour où elle est acceptée par les peuples, comme le règne d’un prétendant date de sa victoire. C’est l’humanité qui donne aux idées leur droit de cité dans le monde, et la science doit rendre à ceux qui ont travaillé à une révolution, même en voulant la combattre, la place qui leur appartient dans l’histoire de la pensée humaine.

De savans travaux ont été publiés sur la grande école philosophique d’Alexandrie. On a également étudié des ouvrages très divers qui peuvent éclairer l’histoire des origines chrétiennes, par exemple les fragmens de la polémique de Celse et de l’empereur