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le lac Pamalombé. Il a de 16 à 20 kilomètres de long sur 8 ou 10 de large. Ses rives sont basses et entourées d’une épaisse muraille de papyrus, haute de dix à douze pieds, qui intercepte la circulation de l’air et rend l’atmosphère de tout le lac fort malsaine. Le surlendemain, le 16 septembre 1859, Livingstone découvrit le lac Nyassa[1], dont la pointe méridionale touche au 14° 25’ de latitude sud et qui s’allonge entre les 31° 40’ et 35° de longitude est. Ce lac a la forme d’une botte et mesure de 80 à 100 kilomètres de largeur à sa partie nord sur 300 de longueur. Au dire des naturels, aucun affluent considérable n’y entre au nord. Il est très profond, fort orageux et sujet à des variations périodiques de niveau. Les rives occidentales, les seules que Livingstone ait explorées, sont découpées en une multitude de baies de formes identiques qui ont un fond de galets et une plage sablonneuse. Il se couvre en de certaines saisons de nuages que le voyageur avait d’abord pris pour la fumée d’un immense incendie, mais à son grand étonnement il reconnut qu’ils étaient composés de petits insectes ailés dont les naturels sont friands. Ils les recueillent, les font bouillir et les convertissent en d’épais gâteaux dont le goût se rapproche de celui de la sauterelle salée. Au nord, les montagnes plongent dans l’eau et y reflètent leurs flancs ombragés. Elles s’en écartent graduellement et laissent au midi une plaine de 16 à 20 kilomètres de largeur. Les parois de ce splendide bassin sont étagées et couvertes jusqu’à une hauteur considérable de la plus vigoureuse végétation. La population riveraine est une des plus denses de l’Afrique australe ; elle est ichthyophage et se montre très habile dans l’art de la pêche. La curiosité de ces Africains était surexcitée à un point extrême. Ils accouraient en foule pour voir les chirombo (les bêtes sauvages), surtout aux heures où ceux-ci prenaient leur repas. Livingstone fit trois excursions dans le bassin de Nyassa, en 1859, 1861 et 1863. Comme les marchands d’esclaves qui viennent de l’intérieur traversent le lac dans sa partie la plus étroite pour transporter leurs victimes à la côte du Mozambique, il avait pensé que le meilleur moyen de porter un coup mortel à ce criminel trafic dans ces contrées serait d’établir une croisière sur le Nyassa. Il avait donc fait construire un petit vaisseau qui pouvait se monter et se démonter à volonté, construction que la solution de continuité de la rivière aux cataractes de Murchison[2] rendait nécessaire ; mais au moment

  1. Le docteur Roscher, parti de Zanzibar dans le courant de l’automne de la même année, découvrait ce lac à sa partie nord-est le 19 novembre, c’est-à-dire deux mois après. On sait que ce voyageur a été assassiné par les naturels peu de jours après avoir fait cette belle découverte.
  2. Nom que Livingstone a donné aux rapides du Shiré en témoignage de respect et de reconnaissance pour l’honorable président de la Société royale de géographie de Londres.