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témoignèrent leur reconnaissance. Le gouvernement s’associa lui-même à ce mouvement, et pour le seconder dans son désir de poursuivre ses travaux d’exploration, le nomma au poste de consul à Quillimane. Lord Clarendon, alors à la tête des affaires extérieures, lui confia la mission d’augmenter les connaissances géographiques qu’il avait acquises sur l’Afrique centrale et orientale, d’étudier avec soin les richesses minérales et agricoles de cette région et de stimuler le zèle des indigènes pour qu’ils s’adonnassent à la culture de la terre et à la production des matières premières qu’ils pourraient échanger contre des tissus anglais. Le ministre mit à sa disposition un vapeur et lui fournit les moyens de s’associer des hommes instruits et de remplir convenablement son mandat. Le docteur, en se remettant en route, n’était donc plus ce voyageur pauvre et isolé n’ayant pour guide que son zèle, pour appui que des chefs sauvages, pour ressources que leur générosité, pour moyens d’existence que la chasse et les présens des naturels ; il allait rentrer dans les eaux du Zambèse revêtu d’un caractère officiel, monté sur un navire de l’état et à la tête d’une expédition considérable.

Ce dernier voyage de Livingstone a duré de 1858 à 1864. Bien qu’il l’ait entrepris sous des auspices aussi favorables, il déclare lui-même que le but du gouvernement n’a pas été atteint. Le mauvais vouloir des autorités portugaises et la guerre fomentée et dirigée par des marchands d’esclaves ont paralysé ses efforts. Le nombreux personnel qui l’accompagnait a d’ailleurs gêné ses mouvemens, éparpillé son temps, absorbé une partie de ses forces. Son bâtiment faisait eau de toutes parts, la machine se détraquait, la chaudière se fêlait, il fallait bourrer le foyer de bois d’ébène pour avancer, à la grande douleur du chauffeur, qui aurait bien voulu vendre son combustible aux négocians de Londres. Livingstone demanda aussitôt à son gouvernement un autre vapeur qui n’arriva qu’au bout de deux ans. Ce steamer tirait cinq pieds d’eau, était souvent ensablé ; il resta une fois six semaines échoué sur des hauts-fonds. Dans le Zambèse, les courans changent souvent de place ; aussi, en l’absence de pilotes spéciaux, jugeait-on prudent de ne remonter que lorsque les eaux étaient hautes, et d’attendre la crue prochaine pour redescendre, ce qui prenait des mois entiers. Il entrait tout naturellement dans les attributions de Livingstone de pourvoir à la nourriture de sa suite et de veiller au bien-être de tous. La fièvre sévit maintes fois sur son équipage, et pendant quelques jours il ne lui resta qu’un seul homme valide. Tous ces travaux stériles, toutes ces difficultés brisèrent son voyage en une multitude de tronçons qu’il faut souder pour le présenter dans son ensemble et dans ses résultats.