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nourriture. Le commandant, après avoir pris connaissance de son passeport, le retint à souper. Un des convives, le capitaine Neves, le reçut ensuite dans sa maison, lui offrit la plus généreuse hospitalité, lui fît présent d’un habillement complet, et prit en outre soin de ses vingt-sept compagnons de voyage. Il resta quinze jours dans ce poste avancé de la civilisation européenne entouré de la bienveillance générale. Les habitans se demandaient pourtant entre eux quel pouvait être cet étrange personnage qui leur était tombé du ciel. — Il se dit missionario ; s’il l’était, parlerait-il aussi ouvertement de sa femme et de ses quatre enfans ? C’est un savant, témoin ses instrumens, ses observations astronomiques et ses calculs ; c’est un docteur, il donne des consultations, prescrit des remèdes. Un docteur ! mais ne voyez-vous pas quelle paire de moustaches il porte et comme il manie un fusil ? — Livingstone était tout cela en effet, et par-dessus tout cela un voyageur, comprenant à merveille les multiples exigences de sa tâche. Cette incertitude ne nuisit nullement aux égards que l’on eut pour lui. A son départ, le commandant lui donna un caporal et deux soldats pour le conduire jusqu’à Ambaca, à moitié chemin de la côte. Sans la fièvre, qui redoubla et s’empara aussi des Makololos, le voyage eût été très agréable. La population indigène était toujours empressée, les autorités se montraient généreuses. La route était jalonnée, à des distances de 12 à 16 kilomètres, de cabanes où les voyageurs trouvaient des bancs à claire-voie pour servir de lits, des chaises, une table et une cruche d’eau. Pour des gens qui depuis six mois couchaient sur la terre, ce mobilier était du luxe. A Ambaca, le caporal, qui était d’un noir de jais, ce qui ne l’avait pas empêché de traiter avec mépris ses deux soldats de nègres tout le long du chemin, fut remplacé par deux ordonnances. Ambaca, qui a été une ville considérable, est réduite aux proportions d’un simple village où rien ne rappelle l’ancienne splendeur, sauf la maison du commandant, une prison et les ruines d’une église. Le 24 mai, Livingstone arrivait à Golongo Alto, site admirable placé au centre d’un système de montagnes qui semblent être les premières assises du plateau de l’Afrique australe. C’est tout un ensemble de rochers, de pics, de dents, d’aiguilles, qui descendent par étages jusqu’à la plaine, dont la stérilité et le morne aspect font regretter la riche végétation des hauteurs. Enfin le 31 mai, sept mois après son départ de Linyanti, il se trouvait avec sa suite à Saint-Paul-de-Loanda, ville maritime, capitale de l’Angola et chef-lieu des possessions portugaises du sud-ouest de l’Afrique.

Livingstone y resta quatre mois et demi pour refaire sa santé, gravement compromise par la fièvre et les fatigues d’un long voyage. Il fut accueilli avec une grande bienveillance par les autorités et les principales familles de la ville, qui portèrent aussi