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la hauteur semblait parfaitement unie, il la trouva sillonnée par une multitude de rivières et de torrens dont l’origine se cachait dans les parois ombreuses du bassin, et qui variaient agréablement le paysage par leurs allures capricieuses. Vu du centre, le rebord oriental du plateau tout dentelé se profilait sur le ciel, et de chaque découpure descendaient de riches vallons dont l’ensemble simulait les plis d’une immense draperie suspendue à la montagne. Cette vallée est de formation maritime et présente une section de la structure géologique du pays. L’assise supérieure est un conglomérat ferrugineux dans lequel sont enchâssés des galets de grès ou de quartz, les assises inférieures sont formées de couches d’argile schisteuse rougeâtre plus ou moins dures, la plus compacte occupant la base.

Il fallut trois jours pour atteindre le fleuve que les naturels appellent Couango, dont nous avons fait Congo, une des artères de l’Afrique australe qui a donné son nom à une province de l’ouest de ce continent. Si les informations que Livingstone a recueillies sont exactes, il prend sa source vers le 12e degré de latitude sud et le 16° 10’ de longitude est pour couler en droite ligne vers le nord jusqu’au 5e degré, où il reçoit le Casaï, et de là se dirige à l’ouest pour se décharger dans l’Atlantique. A l’endroit où Livingstone le traversa, il avait un courant de 150 mètres. Les approches en sont difficiles ; l’herbe dépassait de deux pieds la tête du voyageur monté sur son bœuf ; le bambou avait la grosseur du bras, les arbres seuls étaient malingres et décharnés, comme si les eaux du fleuve leur étaient contraires. Si un marchand mulâtre ne lui eût prêté le plus opportun des secours, il aurait rencontré de sérieux obstacles pour franchir le Congo ; le chef de la tribu des Bashingés, qui en occupe la rive droite, exigeait, comme conditions de passage, des présens considérables parmi lesquels il mettait un esclave. Quand il s’aperçut que Livingstone passait sans son autorisation, il fit diriger sur la caravane un feu si maladroit que personne ne fut atteint.

En mettant le pied sur la rive gauche du Congo, le missionnaire se trouvait dans un pays soumis à la couronne de Portugal, il s’en aperçut à la sécurité avec laquelle il le traversa. Après trois jours de marche, il arriva à Cassengé, première station portugaise dans cette partie de l’Afrique. C’est un groupe d’une quarantaine de maisons habitées par des marchands européens. Son entrée ne fut rien moins que brillante ; ses vêtemens tombaient en lambeaux. La première personne qu’il rencontra lui demanda son passeport et l’invita à le suivre chez le commandant, Livingstone n’avait garde de résister, car il était, dit-il, dans cet état de dénûment où l’on se sent heureux d’être mené en prison et de trouver ainsi le logement et la