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torrentielles son pénible voyage par terre. Ce fut un des momens les plus difficiles de son expédition. Le pays était inondé, à chaque instant il se trouvait arrêté par une rivière qu’il devait traverser le plus souvent à pied ayant de l’eau jusqu’au cou. Il était obligé de tenir son chronomètre sous l’aisselle pour le préserver de l’humidité. La fièvre intermittente qu’il avait gagnée en entrant dans le bassin du Zambèse ne le quittait plus. Il montait un bœuf, mode de locomotion qui présentait des inconvéniens de plus d’un genre. Dans les bois, il était renversé par les branches dont le bœuf se préoccupait peu ; dans les lieux habités, il était désarçonné par les bonds trop brusques de sa monture, à laquelle un chien causait de folles terreurs. Le chef de la ville de Catema, qu’il traversa bientôt, avait la plus haute idée de son importance. « Je suis le grand moena (seigneur) de Catema, lui dit-il dans son audience de réception, l’égal du matiamwo. Aucun autre que lui ne m’est semblable. J’ai toujours vécu ici comme l’ont fait mes ancêtres, et cette maison a été celle de mon père. Vous n’avez point trouvé d’ossemens humains près du lieu où vous êtes campé, car je n’ai jamais fait mourir de voyageurs. Ils se placent tous sous ma protection. Je suis le grand moena de Catema dont vous avez entendu parler. » L’éloquence du moena ne l’empêchait pas d’être un bon enfant. Il fournit au voyageur des vivres et des guides à la caravane. A 10 kilomètres de cette ville, Livingstone découvrit un petit lac que les indigènes appellent Dilolo. Il a une douzaine de kilomètres de long sur 4 ou 5 de large, et se trouve sous le 11° 40’ de latitude sud et le 20° 7’ de longitude est. Le principal tributaire du Liba, le Lotombowa, en sort à la pointe sud. A l’extrémité opposée, on rencontre un autre cours d’eau qui porte le même nom. Livingstone en avait conclu que c’était la même rivière qui entrait dans le lac au nord pour en sortir au midi, mais les naturels lui affirmèrent qu’elle coulait dans le sens opposé et suivait la direction septentrionale. — Il comprit alors que le lac Dilolo et les plaines inondées dont il fait partie sont les points culminans entre les deux bassins du Zambèse et du Congo, et forment un réservoir qui divise ses eaux entre l’Océan-Atlantique et l’Océan indien. En effet, à peine eut-il franchi l’horizon de ce lac qu’il se trouva dans un pays fortement accidenté et d’un aspect tout nouveau. Les rivières coulaient au nord et se trouvaient encaissées dans de charmantes vallées. Le troisième jour de son entrée dans cette zone, il est arrêté par un courant de trois à quatre cents pieds de large. Les naturels qui lui prêtent leurs canots pour le passer lui disent qu’il pourrait y naviguer pendant des mois sans en voir la fin. C’était le Casaï, l’affluent le plus considérable du Congo. Le point où il le traversa se trouve sous le 11° 18’ de latitude sud. Si la nature était plus mouvementée et d’un