Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/697

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

salaire de la main-d’œuvre et le bénéfice d’industrie. L’intervention du crédit est dès lors très logique, puisqu’elle est provoquée par l’existence d’un gage à peu près certain. Aussi le crédit existe-t-il réellement en France et en Angleterre pour cette branche d’opérations, qui est beaucoup plus étendue qu’on ne le suppose, et qui, à Paris notamment, siège d’une fabrication très morcelée, présente de nombreuses ramifications. C’est à l’usage de cette catégorie d’ouvriers, se confondant jusqu’à un certain point avec celle des marchands de détail, que fonctionnent le plus généralement les banques du peuple qui se propagent en Allemagne sous l’inspiration de M. Schultze-Delitzsch. Faut-il appeler cela le crédit populaire ? Si l’on prétendait attacher à cette dénomination un sens particulier dans le langage de l’économie politique, on se tromperait gravement. Le crédit n’est ni aristocratique, ni bourgeois, ni démocratique : il est simplement le crédit. Ce n’est pas l’honorer, c’est le diminuer que de l’affubler d’un adjectif et de l’enrégimenter sous un drapeau. Il se doit à tous, et à tous il se donne, moyennant les garanties qu’il est de son droit et de son devoir d’exiger. On peut multiplier les combinaisons destinées à étendre et à fortifier ces garanties : à ce point de vue, l’association mutuelle et solidaire, en offrant au capital prêteur des sûretés plus grandes, est de nature à rendre des services, et elle mérite d’être encouragée ; mais de ce progrès désirable et possible à une réforme, à une révolution ouvrière, comme on le proclame trop pompeusement, il y a loin. Quand l’ordre règne, quand le travail abonde, quand l’artisan emprunteur se montre digne de confiance, le crédit dans les pays tels que la France et l’Angleterre, à Paris comme à Londres, répond avec empressement aux demandes. Il n’en est apparemment pas de même dans les pays d’Allemagne, puisque le nouveau système y a pris de tels développemens, et ce qui le prouve, c’est le taux même des conditions du prêt dans les banques du peuple. Nous lisons dans les statuts de la banque de Delitzsch que l’intérêt et la provision pour les sommes prêtées s’élèvent à 8 pour 100. Si c’est là du crédit populaire, ce n’est point du crédit à bon marché. — En résumé, pour ce qui concerne les associations coopératives de crédit, nous pensons que les ouvriers qui travaillent moyennant salaire dans les fabriques et dans les grands ateliers n’y ont aucun intérêt, et nous admettons qu’elles peuvent être utiles aux artisans dans les régions où le crédit n’a point encore suffisamment pénétré : ce qui revient à dire qu’en France très heureusement, grâce à la diffusion des moyens ordinaires de crédit, l’expédient importé d’Allemagne ne sera que d’un usage très restreint.

Nous passons aux sociétés de consommation. Le but à atteindre,