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dans le district de Colombie, l’amendement constitutionnel modifiant la base de la représentation nationale, enfin l’extension des pouvoirs du bureau des affranchis. Le suffrage des noirs passa sans difficulté dans la chambre, malgré l’intention formelle annoncée par le président d’y opposer son veto et la protestation d’un vote populaire par lequel on essaya vainement d’arrêter le congrès. On avait pourtant présenté un amendement plein de sagesse, digne en tout point de servir de modèle à la législation des états du sud. Il consistait à restreindre les droits politiques à trois classes d’hommes de couleur : ceux qui sauraient lire à haute voix la constitution des États-Unis, ceux qui paieraient une taxe personnelle ou immobilière, ceux enfin qui avaient servi dans l’armée des États-Unis ; mais une fausse manœuvre des démocrates avait fait rejeter l’amendement sans empêcher la loi d’être adoptée.

La question de l’amendement constitutionnel était plus grave et fut plus longuement débattue. On sait qu’aux États-Unis la représentation nationale est fondée non pas sur le nombre des électeurs, mais sur l’ensemble de la population des états. Néanmoins dans les états du sud, où la moitié de la population vivait en esclavage, la constitution avait décidé que les noirs ne compteraient que pour deux tiers de leur nombre véritable. C’était déjà faire la part assez belle à leurs maîtres et investir l’esclavage d’une puissance politique privilégiée. Ainsi la Caroline du Sud, avec une petite population blanche de 291,000 âmes et une énorme population noire de 402,000 âmes, exerçait dans le gouvernement de l’Union une part d’influence beaucoup plus grande que l’état du Connecticut, dont la population s’élève à 460,000 âmes. Cette inégalité faisait partie du système de l’esclavage et elle ne peut durer aujourd’hui que l’esclavage est supprimé. Si les états du sud veulent garder leur représentation et même l’accroître, ils n’ont qu’à conférer le droit de suffrage aux noirs ; mais il serait absurde aujourd’hui de leur conserver le pouvoir d’une aristocratie privilégiée et de les faire rentrer en conquérans dans cette chambre où ils doivent revenir en vaincus. C’est pour cela qu’on a songé à modifier la base de la représentation nationale, de façon tout à la fois à l’établir sur des proportions équitables et à pousser les états du sud dans la voie des réformes radicales, en les intéressant eux-mêmes à les accomplir. Divers systèmes se trouvaient en présence et sollicitaient l’adoption du congrès. Le plus simple et le plus commode consistait à établir la représentation des états sur leur population électorale au lieu de leur population réelle ; mais il avait l’inconvénient grave d’exciter les états à étendre outre mesure la franchise électorale, à effacer toutes les conditions d’âge, de fortune, de capacité, de