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conditions du retour des états rebelles au sein de l’Union fédérale, pour leur garantir une forme républicaine de gouvernement, leur imposer un nouveau serment de fidélité, pour assurer l’exécution de l’amendement constitutionnel, modifier la base de la représentation des états du sud, pour fixer les devoirs du congrès envers les citoyens loyaux des états rebelles. Les radicaux arrivaient armés de toutes pièces, avec un arsenal de lois préparées : ils allaient les voter, il faudrait bien y obéir, et qu’adviendrait-il alors de la politique du président ?

Sa réponse ne se fit pas attendre. Son message au congrès parut le lendemain même de la séance d’ouverture. Il y développait pour la première fois l’ensemble de sa politique avec une modération, une sincérité, une simplicité mâle et fière qui faisaient mieux ressortir la violence des attaques radicales. Il exposait modestement les difficultés qu’il n’avait pu vaincre, celles dont il croyait avoir triomphé, condamnait en termes sérieux et sévères la politique qui voulait imposer un gouvernement militaire aux états du sud, et déclarait encore une fois qu’il fallait réserver aux états la question du suffrage des noirs, mais que le gouvernement national devait aux affranchis une protection efficace et une sérieuse sollicitude. Quant à l’admission des députés du sud, il disait en passant aux deux chambres qu’à chacune d’elles appartenait le jugement de l’élection de ses membres.

Cette impassible froideur commençait à inquiéter les radicaux. Ils auraient voulu trouver dans le message du président une provocation qui donnât prise à leur éloquence. Le sénat avait voté à son tour le bill de reconstruction de M. Stevens en l’amendant quelque peu, et la commission mixte siégeait déjà sous la présidence de son créateur quand le président dépêcha au sénat un nouveau message pour le rassurer sur la condition du sud et lui conseiller enfin la restitution des droits politiques aux habitans des anciens états rebelles. Ce fut l’étincelle que les radicaux attendaient pour enflammer la poudre. M. Sumner, dans le sénat, déclara à plusieurs reprises avec une grande indignation que le président était le complice des rebelles, et que son message était fait pour les blanchir. L’orage se déchaîna aussi dans la chambre, et alors commença entre le Capitole et la Maison-Blanche cette espèce d’assaut parlementaire qui vient de s’achever par la rupture ouverte du président et du Congrès.

De toutes les questions soulevées devant les chambres, il en était trois surtout qui absorbaient l’attention publique et auxquelles l’antagonisme chaque jour plus marqué du président et du congrès donnait une importance nouvelle : c’était le suffrage des noirs