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obtenaient le trîbunat militaire. De là ils passaient dans les fonctions civiles ou financières, ils devenaient procurateurs de César ou entraient dans l’administration des provinces. C’est ainsi que ce Nonius Balbus, qui a rempli Herculanum de ses inscriptions et de ses statues, gouverna la Crète et la Cyrénaïque. Les plus heureux arrivaient à être consuls, comme Agricola, qui était de la colonie de Fréjus. Il y en eut même qui devinrent empereurs, comme l’Espagnol Trajan.

Toutes les raisons que je viens de donner aident à comprendre comment les dignités étaient si recherchées dans les municipes. On est moins surpris, quand on les connaît, de voir qu’à Pompéi, par exemple, les élections donnaient lieu à des scènes si animées, et que le triomphe d’Holconius. ou de Pansa était un grand événement dont on causait longtemps dans la petite ville. Il en était partout de même, et l’on peut dire que le choix des magistrats, les décrets des décurions, le gouvernement des affaires de la cité tenaient alors une place importante dans la vie de province. Malheureusement cette place devint bientôt de plus en plus petite. Au moment où Pompéi disparaît, le régime municipal est encore dans tout son éclat, et cependant à quelques signes on peut déjà pressentir sa décadence prochaine. La loi de Malaga prévoit le cas où il ne se présentera pas de candidats pour être édiles ou duumvirs, et où il faudra condamner les gens riches à être magistrats malgré eux. On commençait donc à trouver ces charges un peu lourdes, et l’on voit bien, au ton de certaines épitaphes, qu’on en était autant accablé qu’honoré (omnibus honoribus atque oneribus in republica sua functus), Les villes avaient pris un goût effréné pour les fêtes. Elles ruinaient leurs magistrats par leurs exigences ; elles se ruinaient elles-mêmes lorsque les bourses des magistrats ne suffisaient pas à leur donner tout ce qu’elles souhaitaient avoir. Par leurs profusions et leurs gaspillages, elles appelaient sur elles la surveillance de César. Il était forcé d’intervenir dans leurs affaires pour les protéger contre leurs entraînemens et leurs folies. A partir de Trajan, les empereurs se mêlent davantage de l’administration des municipes. C’était un bienfait pour le moment, car ils réformaient beaucoup d’abus, mais c’était un grand danger pour l’avenir. Le pouvoir central est naturellement envahissant, et quand on a l’imprudence de l’appeler chez soi, il faut se résigner à n’y être plus le maître. Les empereurs commencèrent par défendre qu’on donnât des fêtes et qu’on entreprît des ouvrages importans sans leur permission. Il fallait qu’un duumvir s’adressât à César pour offrir un spectacle de gladiateurs, payer une route ou reconstruire un temple. Ils envoyèrent ensuite des inspecteurs (curatores) chargés de surveiller les dépenses des