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a découvert les fameuses tables de Salpensa et de Malaga. Ces tables contiennent les lois accordées à ces deux municipes par l’empereur Domitien, et comme il n’est pas possible d’admettre qu’on les eût faites exprès pour eux, il faut en conclure qu’elles régissaient aussi tous les autres. Elles ne laissent aucun doute sur la façon dont les magistrats municipaux étaient nommés. Un des duumvirs en charge présidait l’élection. Les candidats se faisaient inscrire d’avance, et s’ils n’étaient pas en nombre suffisant pour les places qu’on devait remplir, le duumvir complétait ce nombre en choisissant d’office parmi les citoyens les plus importans de la ville. On votait par curie et au scrutin secret. Tous les habitans prenaient part au vote, et même les étrangers, pourvu qu’ils fussent citoyens romains. Au jour fixé, chaque curie se rendait dans le lieu de ses séances, et l’on procédait à l’élection. Des précautions minutieuses étaient prises pour en assurer la sincérité. « Il faut, disait la loi, qu’auprès de l’urne de chaque curie il y ait trois citoyens du municipe, mais non pas de cette tribu, qui gardent le scrutin et le dépouillent. Il faut qu’avant de le faire chacun d’eux jure qu’il se conduira loyalement et tiendra un compte exact de tous les suffrages. On ne doit point empêcher non plus que les candidats envoient des gens chargés de surveiller les différentes urnes, et toutes ces personnes, aussi bien celles qui seront désignées par l’autorité que celles qu’enverront les candidats, pourront voter dans la curie où elles se trouvent, et leur suffrage sera aussi valable que s’il était donné dans la curie à laquelle elles appartiennent réellement. » Voilà des précautions qui montrent des gens parfaitement habitués à toutes les pratiques du suffrage universel. La loi continue à indiquer avec les mêmes détails la façon dont on compte les votes dans chaque tribu, et qui l’on doit choisir quand plusieurs candidats ont obtenu le même nombre de suffrages ; elle ordonne enfin que celui qui l’emporte sur les autres, après avoir donné des garanties suffisantes pour répondre des finances de la ville dont il va disposer, soit amené devant le peuple réuni, et là jure « par Jupiter, par le divin Auguste, le divin Claude, le divin Vespasien, le divin Titus, le génie de l’empereur Domitien et les dieux pénates, qu’il fera tout ce que la loi de la cité lui commande de faire, sans en jamais violer les prescriptions. » Ce serment prononcé, il est solennellement proclamé magistrat de son municipe.

Ainsi, au temps de Domitien, le peuple des municipes choisissait ceux qu’il voulait pour le gouverner. Ces scènes de comices et d’assemblées populaires, qui n’étaient plus à Rome qu’un souvenir lointain, redevenaient une réalité vivante à quelques lieues de ses murailles. C’était donc quelque chose d’être le magistrat même d’une