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uniformité qui s’impose alors à l’empire ; elle s’est souvent faite sans elle, quelquefois malgré elle. Les premiers empereurs n’ont essayé d’établir l’unité que dans les choses où elle est vraiment nécessaire, et sans lesquelles une grande nation n’existe pas. Ils concentraient en leurs mains la direction politique des affaires et le commandement des armées ; ils ne laissaient circuler que la monnaie frappée à l’effigie de César ; ils voulaient que les mesures dont on se servait eussent été vérifiées par les édiles de Rome à l’étalon du Capitole ; ils ne permettaient pas aux villes voisines et ennemies de vider leurs différends par la force, comme c’était l’usage avant eux ; ils se faisaient les juges de leurs querelles et les réglaient sans appel. Quant à leur administration intérieure, ils y intervenaient le moins qu’ils pouvaient, et seulement lorsque la tranquillité publique rendait cette intervention nécessaire. Je ne prétends pas que toutes les villes jouissaient des mêmes libertés. La surveillance du pouvoir central et de son mandataire, propréteur ou proconsul, s’exerçait sur elles avec plus ou moins de rigueur, selon qu’elles étaient plus ou moins éloignées de la capitale ou de l’Italie, selon les droits qu’elles avaient reçus au moment de la conquête ou depuis leur soumission ; mais toutes à peu près, municipes, colonies, villes libres, fédérées ou sujettes, se gouvernaient par leurs lois, toutes élisaient leurs magistrats, toutes faisaient elles-mêmes leurs affaires, et l’on peut dire, je crois, que rarement le monde a joui d’autant, d’indépendance municipale que sous le despotisme des césars.

Pompéi, étant une colonie romaine, devait être parmi les villes les plus favorisées. Pour son administration intérieure ; elle jouissait d’une liberté sans limites. Nous sommes fort surpris, nous qui ne pensons pas qu’on puisse vivre, si l’on n’est placé sous l’œil et sous la protection toujours visible du pouvoir central, de voir que le gouvernement impérial n’avait là aucun agent qui le représentât. On s’en passait, à ce qu’il semble, et l’empereur n’éprouvait pas plus le besoin d’en envoyer que les habitans le désir d’en recevoir. Les seuls magistrats dont on trouve la trace à Pompéi sont des magistrats municipaux. Ils ne sont pas très nombreux : l’administration des municipes était fort simple ; elle n’aimait pas à embarrasser de rouages compliqués la marché des affaires. Le pouvoir délibératif appartenait à un sénat de cent membres qu’on appelait les décurions. Ce sénat comprenait les personnages importans de la ville ; il était à peu près investi des mêmes attributions que celui de Rome, dont il aimait à prendre le nom, dont il essayait d’imiter la majesté. Le pouvoir exécutif était remis aux mains d’un petit nombre de magistrats annuels. C’étaient d’abord ceux qu’on appelait