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habite : « La voilà ! la voilà ! plus de doute ! Romula vit ici avec un scélérat ? Tenimus ! tenimus ! res certa ! Romula hic cum scelerato moratur ! »

On comprend bien que je ne puis pas tout citer. Je ne veux pas trop abuser de la permission qu’on accorde au latin de braver l’honnêteté. Si j’osais mettre sous les yeux du lecteur ces inscriptions libertines qui s’accordent si bien avec les peintures du musée secret, je lui donnerais, je le crains, une fort mauvaise idée de la moralité des habitans de Pompéi, et malheureusement cette idée serait juste. On prétendait généralement alors que les mœurs étaient bien meilleures dans les provinces, qu’à Rome. Tacite et Pline se plaisent à vanter partout la vie honnête et frugale qu’on menait dans les municipes italiens ; il semblerait, à les entendre, que si Rome était le rendez-vous de tous les vices, la vertu commençait immédiatement après l’enceinte de Servius. Je crains bien qu’il n’entrât dans cette opinion un peu de cette illusion qui nous fait croire que nous serions beaucoup mieux partout où nous ne sommes point. En tout cas, elle n’était pas vraie pour la ville que nous étudions en ce moment. Il est possible qu’on ne trouvât point la vertu à Rome, mais il est certain qu’il ne fallait pas la chercher non plus à Pompéi. Cette charmante ville était située dans un pays enchanteur, où tout porte à la volupté, où « l’éclat velouté de la campagne, la tiède température de l’air, les contours arrondis des montagnes, les molles inflexions des fleuves et des vallées sont autant de séductions pour les sens que tout repose et que rien ne blesse. » Elle était voisine de Naples, qu’on appelait déjà Naples la fainéante, otiosa Neapolis, et qui justifiait si bien le proverbe que l’oisiveté est mère des vices ; elle était placée en face de Baïes, le plus beau lieu du monde, mais un des plus corrompus, de Baïes dont Martial dit qu’il y entrait quelquefois des Pénélopes, mais qu’il n’en sortait que des Hélènes. Tout se réunissait donc pour faire de ce pays un séjour dangereux à la vertu, et les inscriptions comme les monumens nous prouvent que Pompéi n’avait pas résisté à ces séductions puissantes du climat et de l’exemple.


II

Quoique la plus grande partie du temps des Pompéiens fût consacrée au plaisir, il leur en restait cependant un peu pour les affaires. Tous les ans, le choix des magistrats venait les disputer à leurs amusemens habituels, et ils s’en occupaient avec une ardeur qui étonne chez eux. Malgré leur goût prononcé pour les spectacles et les divertissemens de tout genre, les inscriptions nous apprennent