Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/558

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aucun autre but. Ces mensonges n’étaient pas difficiles à faire accepter en Orient, et tandis que l’évêque Jean remplissait à souhait sa mission de discorde, Pélage parcourait les diocèses de Syrie, répétant à satiété que les évêques d’Orient, avec leur profond savoir et leur esprit de justice, lui présentaient bien plus de garantie que tout l’épiscopat d’Occident.

La convocation d’un concile des prélats de Palestine à Diospolis, l’année suivante 415, sous la présidence du métropolitain de la province, fut la conséquence de leurs menées. Les évêques s’y trouvèrent au nombre de quatorze et dans une disposition telle qu’Orose, cité par Jean, n’osa pas y comparaître. Héros et Lazare s’abstinrent également, quoiqu’ils eussent eux-mêmes provoqué le synode par une requête à l’archevêque de Césarée ; mais Héros s’excusa sur une indisposition subite, et Lazare sur la maladie de son ami. Seul Occidental au milieu de tous ces Orientaux, Pélage triompha sans conteste. Il fut vraiment le roi du concile, charmant l’assemblée par la facilité de son élocution en langue grecque, désavouant ses disciples et lui-même au besoin, accumulant distinction sur distinction, expliquant ses formules latines par des équivalens helléniques qui manquaient de justesse, et protestant à chaque phrase qu’il était catholique, qu’il voulait vivre et mourir dans le giron de l’église catholique, et qu’il prononçait un anathème général sur tous ceux qui s’en séparaient. Cette déclaration termina le synode au grand contentement de tous, et un décret fut rendu en ces termes : « puisque le moine Pélage, ici présent, nous a satisfaits par ses réponses, qu’il est demeuré d’accord de la véritable doctrine et qu’il rejette et exècre ce qui est contraire à la foi de l’église, nous le reconnaissons comme un membre de la communion catholique. » C’était absoudre Pélage en condamnant le pélagianisme : l’évêque de Jérusalem, qui avait tout conduit, donnait une nouvelle preuve de son adresse, sinon de sa bonne foi.

Il ne restait plus aux deux évêques gaulois et au prêtre espagnol qu’à regagner leur pays s’ils étaient soucieux de leur repos : aussi se trouvèrent-ils bientôt loin des côtes de Judée. Une agitation ardente avait suivi dans toute l’Asie le concile de Diospolis. Pélage, qui diffamait Jérôme, trouva de l’écho dans plus d’un évêque de Syrie et d’Asie-Mineure : l’un d’eux, Théodore de Mopsueste en Cilicie, alla jusqu’à jeter à la face du solitaire, qui maintenait si fermement le drapeau de la foi en Orient comme en Occident, la qualification d’Aram, qui en syriaque signifiait malédiction. Des conciliabules de prêtres et de moines l’effervescence passa dans le peuple ; la populace des monastères s’unit à celle des campagnes, et les amis de Jérôme ne purent plus se montrer au dehors sans être