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donner un bel exemple. La cinquantaine de M. Berryer avait été chaleureusement acclamée par le barreau en France ; le barreau anglais l’a saluée, il y a un an à peine, avec non moins d’élan et de sympathie. À cette occasion, il a été parlé du barreau comme il conviendrait qu’on en parlât dans l’Europe entière. Son action, ainsi mesurée au-dessus des frontières en quelque sorte, n’en a été que mieux appréciée, précisément parce qu’elle n’est point celle d’une institution locale. C’est ce que l’attorney general, au banquet de Londres, essayait de faire ressortir en rappelant le droit de la défense dans l’intérêt des individus comme dans celui des libertés publiques. « Ce droit, a-t-il dit, nos ancêtres en ce pays l’ont exercé dans les temps passés, nous serions prêts à l’exercer de nouveau, et nous nous réjouissons de le voir exercé comme il doit l’être dans tout autre pays ; nous avons saisi cette occasion de montrer que nous avons le sentiment de la confraternité qui doit exister entre le barreau d’Angleterre et le barreau de France, et, j’ose le dire, le barreau de tout le monde civilisé. » A la vérité, ainsi qu’on l’a encore exprimé dans cette circonstance, il est impossible de ne pas apercevoir derrière la fonction du barreau l’exercice nécessaire d’une mission sociale ; mais, on a eu raison de le dire aussi, même dans les pays où la liberté de la défense est le plus en honneur, cette mission n’est pas toujours bien comprise, souvent elle a été méconnue et raillée. Quelle est-elle donc ?

Les dernières études entreprises sur ce sujet, sans le toucher peut-être dans ses parties les plus vives, méritent d’être signalées, car elles témoignent des efforts qui sont tentés pour le faire mieux connaître. M. Gaudry s’est attaché au barreau de Paris et en a fait l’historique jusqu’à la révolution de 1830 ; il s’est arrêté à cette époque, afin de ne point parler d’hommes avec lesquels il avait vécu. « Si j’avais donné l’éloge, a-t-il dit, j’aurais été obligé d’exprimer le blâme, et le blâme comme l’éloge ne peuvent être convenablement attribués à ceux qui n’ont pas fini leur carrière : les derniers jours peuvent suffire pour honorer ou pour déshonorer la vie. » Telle n’a point été la préoccupation de M. Pinard, qui a été mêlé lui-même au barreau contemporain ; il s’est proposé de parler aussi bien des vivans que des morts, et a poussé ses investigations jusqu’aux événemens de 1848. Dans un autre ordre d’idées, s’éloignant des données purement historiques et des peintures de caractères, M. Albert Liouville a de son côté réuni sur la profession d’avocat les enseignemens que son père avait développés dans plusieurs discours de son bâtonnat.

Avec ces nouvelles publications, on voudrait revenir sur quelques aspects du sujet restés dans l’ombre et qui n’ont rien perdu de leur intérêt. La véritable mission du barreau au sein de la société, les secours qu’on a le droit d’en attendre dans la double sphère des contestations privées et des libertés publiques, son rôle dans les heures de crise et en particulier celui qu’il a joué sous la révolution, son attitude à travers les divers régimes qui ont suivi, ce sont là évidemment des points qu’on ne saurait