Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/511

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mot ne peut point effacer les paroles souvent citées de notre ministre des affaires étrangères, qui subordonne, comme le veut la nature des choses, la durée du pouvoir temporel de la papauté aux conditions de vitalité intérieure qui lui sont propres. Une manifestation parlementaire n’a qu’une efficacité présente, et un peuple ne peut être inféodé à la notion matérialiste que certains esprits politiques entretiennent encore touchant le gouvernement des âmes. Les applaudissemens spontanés qui ont accueilli le magnifique discours de M. Jules Favre nous donnent l’assurance que des idées plus épurées sur la direction du catholicisme prévaudront dans l’avenir. En attendant, les italiens ne se laissent point décourager par ces protestations anticipées et téméraires contre un état de choses que pourront un jour sanctionner la nécessité politique et les droits de la conscience. Ils s’appliquent avec un zèle vraiment patriotique à la solution de leurs difficultés financières. Les souscriptions organisées par le Consorzio obtiennent un succès inespéré. Nous étions bien sûrs, quant à nous, que le jour où les Italiens verraient attaché à la question financière le sort de leur indépendance et de leur unité politique, ils donneraient au monde une démonstration décisive de leur dévouement et de leurs ressources.

Les pronostics fâcheux que l’on émet depuis quelque temps sur le ministère anglais semblent bien près de se réaliser. Des bruits très accrédités s’étaient répandus, il y a quinze jours, sur une dislocation intérieure du cabinet du comte Russell. On assurait que le noble lord avait remis sa démission à la reine, et lui avait conseillé de s’adresser au duc de Sommerset pour la formation d’un nouveau ministère. On supposait que cette crise était la conséquence de dissentimens qui seraient survenus entre lord Russell et le duc de Sommerset et plusieurs autres de ses collègues. Les dissidences s’étaient élevées sans doute à propos des détails du bill de réforme annoncé par le discours de la couronne. L’éclat pourtant n’a point eu lieu, et l’accord s’est sans doute rétabli aux dépens du bill, dont M. Gladstone a exposé avant-hier à la chambre des communes l’économie mesquine, tronquée et chancelante.

Il faut être juste envers lord Russell, il est la victime de la réaction qui devait suivre inévitablement un état de choses bizarre dont l’Angleterre s’était complu à prolonger la durée. Les Anglais s’étaient accoutumés au repos d’une verte et heureuse vieillesse pendant les dernières années de la vie de lord Palmerston. Leur politique, et ils en étaient joyeux et fiers, consistait à ne rien faire. Pourquoi fatiguer et troubler en son grand âge le fin et gai vieillard qui leur faisait l’honneur de leur servir de premier ministre ? Cette sénilité était comme une grâce providentielle qui avertissait les Anglais de ne point tourmenter leurs institutions intérieures, de se tenir à l’écart de toutes les grandes affaires extérieures, et leur permettait de vaquer exclusivement aux labeurs richement rémunérés de leur industrie et de leur commerce. On avait du répit et du bon temps, et l’on en jouissait, Soucis, difficultés, problèmes, les questions sociales