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la convocation des états, a été hautement approuvée par le cabinet autrichien. Depuis ce moment, on a vu M. de Bismark réunir avec ostentation des conseils de cabinet où étaient appelés les premiers personnages du royaume ; on n’entend parler que de conférences militaires tenues par le roi de Prusse avec les chefs de son armée. De semblables réunions politiques et militaires ont lieu à Vienne, et des personnages tels que l’archiduc Albrecht, les généraux de Hess et Benedek y assistent. Ces démarches et ces manifestations ne seront-elles qu’une échauffourée ? Cet orage passera-t-il sans éclater ? Il faut le souhaiter ; nul ne saurait l’affirmer. Les plus circonspects disent que la guerre entre la Prusse et l’Autriche est improbable, mais qu’elle n’est point impossible. M. de Bismark, avec cette subtilité qui est devenue chez lui une arme hardie, pose une distinction entre l’administration et le gouvernement des duchés. On n’a partagé à Gastein, dit-il, que l’administration, le gouvernement reste indivis entre les deux puissances ; l’Autriche ne peut pas faire acte de gouvernement dans le Holstein sans l’accord de la Prusse : la convocation des états est un acte de gouvernement, et la Prusse s’y oppose. Au milieu de ses conseils de cabinet et de ses conférences militaires, M. de Bismark tient en suspens le dernier mot qu’il destine à l’Autriche. Quelques-uns assurent que son ultimatum est écrit et a été expédié au ministre prussien, M. de Werther, à Vienne. Quand le grand magicien de Berlin aura pris sa résolution finale, un signe télégraphique avertirait M. de Werther, qui, à l’instant même, porterait la sommation prussienne à M. de Mensdorf.

On conviendra qu’il est difficile qu’une situation soit plus tendue. Il semble qu’en de telles circonstances la France, par l’organe de sa chambre populaire, eût dû nuancer d’une façon particulière, dans la discussion de l’adresse, son sentiment sur l’affaire des duchés. C’était l’avis de M. Jules Favre, de M. Thiers, qui ont à cette occasion indiqué la politique naturelle de la France avec une éloquente netteté. C’était aussi l’opinion visible de la chambre, qui a renvoyé le projet d’adresse à la commission. La commission n’a rapporté qu’une rédaction incolore, qui n’accuse aucune inclination déterminée de la politique française. Ce que nous regrettons encore plus que la neutralité par trop réservée de l’adresse, c’est le discours prononcé dans cette circonstance par un très estimable commissaire du gouvernement, M. de Parieu, dont on est accoutumé à respecter l’esprit investigateur et la parole impartiale. M. de Parieu, sans donner aucun renseignement précis sur les rapports actuels de la Prusse avec l’Autriche, s’est cru obligé de présenter l’histoire abrégée de la question des duchés. Nous n’essaierons point de relever les erreurs de fait et d’appréciation que M. de Parieu nous semble avoir commises dans son discours. Nous avons présenté ici avec trop d’abondance les élémens de la question des duchés au moment où cette affaire agitait l’Europe pour rentrer dans ce débat. Un de nos collaborateurs, M. Klaczko, a d’ailleurs exposé dans la Revue l’ensemble de ces grandes transactions avec une sûreté d’informations et une