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intérieures la question algérienne. M. Lanjuinais s’est emparé de cette question avec une connaissance des faits et une vigueur d’argumentation très remarquables. On peut dire que, par le commentaire critique qu’il a donné du sénatus-consulte de 1863 et de la lettre de l’empereur au maréchal Mac-Mahon, l’honorable député de Nantes a débarrassé la question algérienne des graves incertitudes qui l’ont troublée dans ces derniers temps. M. Lanjuinais a été utilement secondé par l’éloquence de MM. Berryer et Jules Favre. Dans cette controverse, l’opposition a pris par la justesse et la solidité des idées, par la décision et la précision du langage, une véritable autorité gouvernementale. Aussi a-t-elle atteint son but, et l’on voit là un de ces exemples où il est démontré qu’une forte discussion a une portée qui domine la rédaction d’un texte d’adresse. On n’a pu rien répondre de sérieux à l’objection constitutionnelle de M. Lanjuinais contre le système d’avancement que l’on a voulu appliquer dans les corps indigènes. La répugnance insurmontable que doit rencontrer dans le sentiment français l’emploi de troupes musulmanes sur une large échelle s’est fait jour hautement. Ce mot de royaume arabe qui avait été prononcé au grand découragement des colons français et européens a été singulièrement atténué et réduit par le commissaire du gouvernement à la valeur d’une simple formule de langage. On a enfin donné à entendre que sur les points de détail les premières impressions de l’empereur ont pu être modifiées par les observations respectueuses qui lui ont été présentées, et que le ministre de la guerre et le gouverneur général de l’Algérie ont pu parler le langage qu’une longue expérience les autorisait à tenir. Rien de plus salutaire que ce débat sur l’Algérie ; il a incontestablement rendu la confiance à nos colons et à notre armée, qui demeure à coup sûr l’instrument fécond de la colonisation française du nord de l’Afrique.

Un débat qui a eu moins d’éclat, mais qui est d’une grande utilité pratique, est celui qui s’est engagé à propos de la question, municipale. Les grands orateurs ne sont point intervenus dans cet examen des relations de l’administration avec les municipalités ; mais les discours de MM. Hallez-Claparède, Goerg, de Marmier, ont montré que les populations commencent à regarder de près au contact des franchises municipales avec l’autorité administrative. L’esprit communal ne perd point ses naturelles et justes susceptibilités. Les politiques sages s’appliqueront à ménager l’indépendance des conseils municipaux. Le gouvernement a fait voir récemment, en choisissant la plupart des maires dans les conseils, qu’il avait le sentiment de cette situation délicate ; le seul reproche qu’il ait encouru est de n’être point allé assez loin dans cette bonne voie. En tout cas, M. de Persigny, le théoricien et l’oracle des idées autoritaires, doit s’apercevoir que ses idées jalouses et restrictives sur la nomination des maires, ainsi que M. Rouher le lui a déjà péremptoirement prouvé au sénat, vont au rebours des sentimens du pays et par conséquent des inspirations d’une politique habile.

Le plus important débat, dans l’ordre des questions intérieures, a été