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explications et suppliant Jérôme de lui répondre sur le point de la controverse. « La lettre que m’a remise de ta part notre saint fils Astérius, lui disait-il, est dure et affectueuse tout à la fois. Dans ses passages les plus tendres, je vois percer un signe de mécontentement et je sens l’aiguillon d’un trait acéré. Une chose surtout me surprend, c’est qu’après m’avoir dit que tu refusais de m’attribuer légèrement sur une simple copie la lettre qui t’offense, de peur que je n’eusse le droit de me plaindre de ton amitié, voilà que tu me sommes de te déclarer sans détour si elle est de moi et de t’en transmettre une copie fidèle, afin que nous disputions sans aigreur sur les Écritures. Quelle apparence que nous puissions disputer sans aigreur, si tu es résolu d’écrire d’une manière blessante ? Et si tu ne l’es pas, comment se fait-il que, dans la supposition où je ne serais pas l’auteur de la lettre, tu m’aies déjà donné le droit de m’offenser de la réponse avant même toute information ? Si donc tu n’as pu me répondre que d’une manière peu affectueuse étant encore dans le doute, comment veux-tu que nous disputions sans aigreur quand tu sauras que la lettre est de moi ? Fais-moi voir, si tu le veux et le peux, que tu as compris mieux que moi l’épitre aux Galates ou tel autre endroit des Écritures ; fais-le, je te le demande : bien loin de t’en savoir mauvais gré, je profiterai avec reconnaissance de tes leçons pour m’instruire et de tes censures pour me corriger. Mais non, frère très cher et très désiré, tu aurais craint de me faire de la peine par ta réponse, si ma lettre ne t’en avait déjà fait, et tu ne chercherais pas à me blesser, si tu n’avais sujet de croire que je t’ai blessé le premier. Mon unique ressource dans la circonstance présente est de reconnaître ma faute, de te confesser que la lettre que tu as trouvée offensante est vraiment de moi et de t’en demander pardon. Oui, si j’ai pu t’offenser, je te conjure par la douceur de Jésus-Christ de ne me point rendre le mal pour le mal en m’offensant à mon tour : or ce serait m’offenser que de me dissimuler ce que tu trouves à redire dans mes actions ou dans mes paroles. Tu n’oublieras pas ce qu’ordonnent la vertu dont tu fais profession et la vie sainte que tu as embrassée, jusqu’à condamner en moi, par passion, ce que ta conscience ne te dirait pas digne de blâme. Reprends-moi donc avec charité, si tu me crois répréhensible, quelque innocent que je puisse être d’ailleurs, ou traite-moi avec l’affection d’un frère, si je mérite cette affection. Dans le premier cas, je reconnaîtrai à tes réprimandes et ma faute et ton amitié.

« Pourquoi donc tes lettres, peut-être un peu trop dures, mais toujours salutaires, me paraîtraient-elles aussi redoutables que les gantelets et les cestes d’Entelle ? Ce vieil athlète portait à Darès des coups terribles sans lui rendre la santé, il le terrassait sans le