Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 62.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’être ressuscité. Plusieurs figures de jeunes filles, l’une surtout à l’extrême gauche de la façade, semblent de florissantes et vigoureuses cariatides grecques. Sous la main de l’artiste, les personnages les plus ascétiques se sont eux-mêmes transformés ; quantité de grosses têtes de moines encapuchonnées sont rieuses et réelles : ce qui domine dans toutes les figures, c’est la placidité, la solidité, la belle humeur. Ainsi tourne autour des quatre pans de la tombe la belle procession de marbre, et les statuettes qui ornent le chapiteau, exécutées par Niccolò dell’ Arca deux siècles plus tard, ne font que répéter avec un degré d’habileté plus grande la même conception ferme et libre ; deux jeunes gens surtout, l’un en cotte de mailles, l’autre botté comme les archanges du Pérugin, ont une fierté d’attitude admirable. Rien ne manque à cette châsse pour rassembler en quelques pieds carrés tout le développement de la sculpture. Un ange à genoux sur la gauche, serein et noble, un saint Pétrone, grandiose et sévère, qui tient la ville dans sa main, ont été taillés par le ciseau de Michel-Ange, et du premier jusqu’au dernier maître, tous les ouvrages sont de la même famille, païenne, énergique et bien membrée. — Si maintenant on se promène dans l’église, on verra que dans ce grand espace de trois siècles l’idée primitive n’a pas fléchi. Un tombeau de Taddeo Pepoli en 1337, solide et beau, n’a rien des fanfreluches gothiques ; aux deux côtés, deux saints debout, tranquilles, en grand manteau, regardent une figure agenouillée qui leur offre une petite chapelle. — Plus loin, le monument d’Alexandre Tartegno en 1477, dans une niche cintrée, brodée de fleurs, de fruits, de têtes d’animaux, de colonnettes corinthiennes, montre, au-dessus du mort couché, trois Vertus au visage ample et riant, aux vêtemens richement fouillés, à l’attitude recherchée et expressive. Ce sont là les tâtonnemens compliqués, les mélanges d’idées par lesquels au XVe siècle commence la renaissance ; mais parmi les divers détours de sa pensée le sculpteur a gardé la même race de corps empreinte dans sa mémoire, et c’est toujours le sentiment de la charpente humaine, de la musculature solide, de la vie naturelle et nue qui l’a guidé.

Cette grande ville est triste et mal tenue. Plusieurs quartiers semblent déserts, des polissons jouent et se houspillent sur les places vides. Quantité d’hôtels monumentaux semblent mornes comme les maisons de nos villes de province. En effet, c’était une ville provinciale gouvernée par un légat du pape ; d’une république agitée on avait fait une cité morte. — On se fait indiquer le meilleur café, et on en sort vite, c’est un estaminet de bicoque. On regarde un instant deux tours penchées bâties au XIIe siècle, carrées, bizarres, et qui n’ont rien de l’élégance de Pise. On arrive à l’église principale, San-Petronio, basilique ogivale et à dôme, d’un gothique italien et