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marquis de Saluces, avec les Suisses, avait suivi en partie la route qu’avait prise le duc de Bourbon ; le duc d’Urbin, avec les troupes vénitiennes, avait traversé le pays de Pérouse et avait perdu beaucoup de temps dans sa marche. Les deux corps d’armée devaient se réunir à l’Isola, située à neuf milles de Rome, et faire une tentative soit pour reprendre la ville, soit pour délivrer le pape assiégé dans le château Saint-Ange. Le marquis de Saluces devança le duc d’Urbin, qui, toujours en retard par habitude comme par calcul, n’arrivait à Nepi que le 22 mai, seize jours après la prise de Rome.

Clément VII, désespérant alors d’être secouru, était entré en négociation avec les impériaux, qui avaient fait creuser des tranchées autour du château et le gardaient avec une extrême vigilance[1]. Il avait adhéré déjà aux dures conditions qu’on lui imposait lorsqu’il apprit l’approche de l’armée entière de la ligue. Comptant sur sa prochaine délivrance, Clément VII rompit la négociation ; mais il connaissait mal le duc d’Urbin et son incurable faiblesse. Ce généralissime de la ligue avait reçu du doge et de la seigneurie de Venise l’ordre de secourir le pape. Il se posta avec 15,000 hommes de pied parfaitement disposés à la Croix-de-Montemari, non loin de Rome, et sur les instances qui lui en furent faites, il décida que dans la nuit toute la cavalerie sous Guido Rangone et toute l’infanterie sous ses propres ordres marcheraient sur le château, en forceraient le blocus et y délivreraient le pape. Ce projet, qui n’avait rien de téméraire et dont l’exécution semblait assez facile, fut aussitôt abandonné que conçu. Malgré les représentations du lieutenant pontifical Francesco Guicciardini, le duc d’Urbin prétendit que les tranchées faites et les défenses élevées autour du château étaient trop fortes pour être affrontées avec ce qu’il avait de monde. Il ajouta qu’il ne pouvait rien tenter contre les impériaux à moins d’avoir 16,000 Suisses, 10,000 arquebusiers italiens, 3,000 pionniers et quarante pièces d’artillerie[2]. Comme il n’avait pas les forces qu’il déclarait nécessaires à une entreprise dont il grossissait les difficultés, il ne voulut pas marcher au secours du pape, et il donna le signal de la retraite à l’armée de la ligue.

Clément VII, ainsi abandonné, capitula[3]. Il s’obligea à payer

  1. Grolier, p. 97. — Sacco di Roma, da Jac. Buonapartc, p. 200.
  2. F. Guicciardini, Istoria d’Italia, lib. XVIII.
  3. Voici comment Guillaume du Bellay, qui était enfermé dans le château Saint-Ange depuis le soir du 6 mai, parle de cette capitulation et des agitations qui la précédèrent. « Le pape incontinent fut pressé de son conseil d’envoyer une trompette pour se rendre, ce que le seigneur Rence pour ce soir (6 mai) empescha ; mais le lendemain matin il la envoya et commença pratiques de composition en despit de tout le monde. Les menées de plusieurs jours seraient longues à réciter : aujourd’hui paix, demain guerre, aujourd’hui tirer, demain estre destendu. La fin, c’a esté que le XXXIIIe jour il accepta captivité pour lui et treize cardinaulx estant avecques luy. Et a ce qu’on ne le reffusast, leur accorda d’avantage leé château, Ostie, Civiîta-Veche, Parme, Plaisance, Modane,… avecques CCCC. mil escuz, et laissa sept ostagiers : le seigneur Rence, le comte de Carpy et tous aultres serviteurs du roy, sortans francs, et partismes le jour de Pentecoste. » Lettre olographe de Guill. du Bellay.