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les Allemands, également déchaînés, mêlèrent la violence à la spoliation, l’incendie au pillage, la cruauté à la débauche, la moquerie à la profanation. Leurs bandes déprédatrices portèrent le ravage dans tous les quartiers et n’épargnèrent aucun lieu. Elles pillèrent d’abord avec une fougue désordonnée et sanguinaire, tuant tout ce qui leur résistait et assouvissant leurs passions brutales sur les jeunes filles arrachées à leurs parens, les femmes enlevées à leurs maris, et les religieuses même atteintes au fond de leurs cloîtres.

Pendant les premiers jours de cette lamentable dévastation, Rome offrait l’aspect le plus désolé. Les portes des maisons étaient enfoncées, les rues désertes ou traversées par des fugitifs qui cherchaient un asile dans les lieux les plus écartés et que poursuivaient les soldats. On n’entendait que de douloureux gémissemens et des cris de fureur. Les églises, qui avaient servi d’inutiles refuges à des populations épouvantées, étaient assaillies par les lansquenets, presque tous luthériens, qui s’emparaient des vases précieux et des riches ornemens. Les images y étaient abattues, les crucifix rompus à coups d’arquebuse, les châsses des saints brisées, les vénérables objets de la piété catholique jetés en bas des autels dépouillés et répandus sur les dalles souillées. Les basiliques de Saint-Pierre et de Saint-Paul, la chapelle du pape, servaient d’écuries aux chevaux[1].

Les Espagnols et les lansquenets attaquèrent à l’envi les grands palais où s’étaient enfermés beaucoup de riches marchands et de nobles familles. Souvent même ils se battirent entre eux pour s’en disputer la possession. Ils pillèrent ainsi le palais de l’ambassadeur de Portugal, que ne fit pas respecter par les soldats impériaux la parenté du roi avec l’empereur. Ils contraignirent également ceux qui avaient espéré trouver un refuge dans le palais de la marquise de Mantoue à leur payer 50,000 écus malgré les supplications de Fernand de Gonzague, qui commandait une bande d’Italiens dans l’armée impériale et qui demanda vainement qu’on ne lui fît pas l’injure de forcer la demeure de sa mère[2]. Ils épargnèrent encore moins les cardinaux qui n’avaient pas eu la prudence de se retirer dans le château Saint-Ange, comme les cardinaux da Valle, Araceli, Cesarini, de Sienne, Enkerworth, parce que, attachés au parti impérial, ils s’étaient crus en sûreté dans Rome[3]. Le cardinal de Sienne, après avoir racheté son palais des mains des Espagnols, tomba au pouvoir des Allemands, qui le dépouillèrent, le traînèrent dans le Borgo, et le réduisirent à leur donner une forte rançon. Le cardinal Araceli, couché dans une

  1. Sacco di Roma, da Jacopo Buonaparte, p. 216. — Il Sacco, da Guicciardini, p. 240.
  2. Grolier, p. 75. — Sacco di Roma, da Jac. Buonaparte, p. 208.
  3. Il Sacco di Roma, da Guicciardini, p. 191. — Grolier, p. 76.