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ses haines sans énergie, montrer ses troubles sans retenue, passer des hostilités aux négociations, des trêves aux ruptures, des attaques aux traités, selon ses espérances ou ses terreurs. Il fit alors demander de nouveaux subsides à Henri VIII, qui l’avait excité à entrer dans la ligue, et il réclama de François Ier une assistance plus efficace, s’il tenait à ce qu’il n’en sortît point.

Le nonce Acciajuoli, pénétrant et habile politique qui représentait à la fois le saint-siège et la république de Florence auprès du roi très chrétien, adressa par écrit à François Ier une éloquente requête. « Si votre majesté, lui disait-il, ne tourne pas cette fois toute la puissance de la France au salut commun et n’y emploie pas son esprit et son courage, l’Italie sera en peu de temps assujétie à la domination de l’empereur, vos fils resteront en prison toute leur vie, ou, pour les recouvrer, il faudra donner une si grande somme d’argent que le royaume de France en sera appauvri pour de longues années. On a tenu trop peu de compte des forces de l’empereur et l’on s’est trop confié dans les nôtres ; c’est la cause du mal et de la ruine. Aujourd’hui l’Italie est réduite à un tel état, qu’elle ne peut plus toute seule résister à une si grande attaque… La venue des lansquenets au-delà du Pô, la mort du seigneur Jean de Médicis, l’arrivée du vice-roi avec les Espagnols, sont des coups mortels pour le pape et les Florentins[1]. » Il supplia le roi d’envoyer sur-le-champ un de ses gentilshommes pour annoncer à Clément VII l’intention de lui venir en aide, de mettre incessamment 100,000 écus à sa disposition, de faire lever tout de suite 8 ou 10,000 Suisses qui descendraient en Italie et que joindrait à Novare le comte de Guise ou le comte de Saint-Pol avec 400 lances, et, si la paix ne se concluait pas, de passer lui-même en Italie avec les forces dont il avait souvent parlé. « Le salut de l’Italie et du monde, ajoutait-il, est entre les mains de votre majesté. Si nous restons libres, l’honneur, la gloire et l’avantage en resteront à votre majesté. Sinon, nous plierons nos cols sous le joug de l’empereur, au grand déshonneur et au détriment de votre majesté[2]. »

François Ier fit les plus grandes promesses ; il jugeait fort bien sa situation et l’état de l’Italie. « Je sais, disait-il au nonce, qu’il m’importe plus qu’à qui que ce soit d’être victorieux dans cette guerre, parce que j’y ai un plus étroit intérêt et un plus cher gage que personne. Je reconnais que, si l’Italie succombe et reste assujétie, l’empereur ne se pourra plus supporter, et que je recouvrerai

  1. Robert Acciajuoli au roi très chrétien dans les Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, faisant partie de la grande collection de documens inédits publiés par le ministre de l’instruction publique, t. Il, in-4o, p. 864.
  2. « … Altrimenti sottometteranno il collo al giogo dell’ imperatore, con gran disonore e grave danno della maestà vostra. » Ibid., p. 866.