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pouvons plus faire autre chose que mettre notre vie à votre service[1]. » Ayant le dessein d’attaquer l’Italie centrale avec cette armée que rien ne pouvait arrêter désormais si ce n’est le défaut d’argent, il se mit en marche. Il avait donné la direction de l’avant-garde au prince d’Orange[2] avec le commandement des chevau-légers et des hommes d’armes. Le marquis del Guasto conduisait la vaillante infanterie espagnole, dont il était le capitaine-général ; George de Frondsberg était à la tête de ses rudes lansquenets, et le jeune Ferdinand de Gonzague, qui devint plus tard un des grands généraux de Charles-Quint, avait sous ses ordres un corps de soldats italiens. Le duc de Bourbon s’achemina ainsi vers les états pontificaux sans être inquiété par les troupes divisées de la confédération. Le marquis de Saluces, toujours en avant, ne put que se jeter dans les villes de l’église qui se trouvaient menacées et préserver tour à tour Plaisance et Bologne. Le timide duc d’Urbin, toujours en arrière, surveilla de loin, avec les troupes vénitiennes, l’armée impériale, dont il ne s’approcha jamais. Lorsque le duc de Bourbon arriva à San-Giovanni, entre Bologne et Ferrare, le duc d’Urbin se posta à Casal-Maggiore, décidé à n’en pas bouger tant que le duc de Bourbon demeurerait à San-Giovanni. Le duc de Bourbon occupa la position de San-Giovanni, où il resta campé pendant quelque temps, afin de s’aboucher avec le duc Alphonse, qui devait lui donner des vivres, des munitions, des charrois, des pionniers, de l’argent, et qui l’engagea ou l’entretint dans le projet de se jeter sur Florence et sur Rome.


III

Les affaires de la ligue étaient singulièrement exposées dans la péninsule. Le principal chef des confédérés italiens, Clément VII, devenait chancelant. Au moment où Lannoy avait pris pied dans le royaume de Naples avec une armée et où Frondsberg était arrivé dans la Haute-Italie avec ses lansquenets, le pape alarmé avait tremblé pour les possessions du saint-siège et pour l’état de Florence. Comme son esprit était aussi incertain que son caractère était timide, il retomba dans ses irrésolutions par ses craintes. Aussi allait-il, dès cet instant, flotter entre les confédérés et les impériaux, demander des secours aux uns, négocier avec les autres, ne rien faire qu’à demi et ne pas le faire longtemps, donner le triste spectacle de ses frayeurs et de ses tergiversations, se livrer à

  1. « Noi altri non possemo far altro, se no mettere la vita per li soi servitù. ». Lettre du 8 février 1527. Archives de Vienne.
  2. Lettre du duc de Bourbon à l’empereur, du 6 février 1527. — Archives impériales et royales de Vienne.