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œuvre afin de détacher Clément VII de ce prince[1], comme il venait de séparer le duc de Ferrare de Clément VII.

L’attentif Charles-Quint s’empressait de faire connaître ses préparatifs et ses desseins au duc de Bourbon, qui réclamait sans cesse de l’argent et des soldats. Dans la lettre qu’il lui adressait le 8 octobre 1526, pour l’informer de tout ce qu’il voulait comme de tout ce qu’il faisait, il calmait d’abord les orgueilleuses défiances de son lieutenant au sujet de la capitainerie-générale promise au duc de Ferrare. L’ombrageux Bourbon croyait y voir une atteinte à son honneur, une diminution de son autorité. Charles-Quint le rassurait. « J’ai pensé, lui disait-il, que vous trouveriez bon de gagner le duc de Ferrare, quoi qu’il nous puisse coûter. Quant à moy, je n’ay jamais entendu que la chose vous tournât à déshonneur, car vous sçavez que j’ay toujours désiré et désire vous accroistre et non souffrir vous rabaisser. » Il lui envoyait en même temps le privilège de la capitainerie-générale, l’investiture de Reggio et de Modène, en lui disant d’en disposer, après avoir vu « que son honneur et son autorité étaient bien gardés, » et en ajoutant : « Vous adviserez de bien entretenir le duc de Ferrare en nostre service comme sçaurez faire par vostre grande prudence selon que le temps le requerra. » — « C’est, continuait-il, l’un des secours qui vous peult ayder en cette guerre ; l’autre secours sera de l’armée que mayne nostre vice-roy de Naples ; le troisième secours est de l’argent que j’appareille pour vous envoyer, et le quatrième est celuy d’Allemagne, pour lequel j’escrits à nostre frère l’archiduc[2]. »


II

Tout se passa comme l’empereur l’avait annoncé, non sans quelques retards, qui tenaient un peu à son caractère et beaucoup à sa situation. Il avait plus d’états que de ressources et moins d’argent que de puissance. Cependant la flotte, composée de nombreux navires, la plupart de transport, et montée par plus de 9,000 soldats destinés à la défense du royaume de Naples, fut enfin équipée, approvisionnée, réunie et prête à mettre à la voile le 24 octobre 1526. Ce jour-là, elle partit de Carthagène et se dirigea vers l’Italie. Entre la Corse et les côtes d’Italie, elle fut rencontrée par André Doria, qui l’assaillit avec se6 galères mieux armées et lui fit essuyer quelques pertes. Une tempête qui survint sépara les combattans, et

  1. « J’ay donné pouvoir au vice-roy de Naples non seulement du secours de Naples, mais de fère paix avec Pape et Vénitiens, s’ils vouloient venir à raison et qu’ils me promettent la ligue deffensive pour vous maintenir et deffendre en l’estat de Milan. » Lettre de l’empereur, etc.
  2. Même lettre du 8 octobre.