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n’avait été exploitée que par des plongeurs à nu, qui, séjournant à peine une minute au fond de la mer, n’avaient guère le temps de choisir leur butin. En 1865, un plongeur revêtu du scaphandre a été employé pour la première fois dans les lacs de l’Ecosse à recueillir des perles et des éponges. La moisson a été fructueuse, et il y a lieu de croire que le même système s’étendra plus tard aux mers du sud, vastes dépôts de nacre, de corail, de madrépores et de précieux coquillages.

« Qui pénétrera les mystères de l’océan ? » a dit Salomon dans son livre de la Sagesse. Le plongeur a déjà soulevé quelques-uns des voiles qui cachaient aux anciens le fond de l’abîme. Et pourtant, à moins d’une révolution dans l’instrument du scaphandrier, il y a des profondeurs que l’œil et la main de l’homme n’atteindront jamais. Le diver qui a plongé le plus bas jusqu’ici est descendu à cent soixante-cinq pieds anglais dans la Méditerranée ; encore fut-il obligé de charger sa ceinture de balles de plomb, et Il ne resta sous l’eau que vingt-cinq minutes. Cent soixante-cinq pieds, c’est beaucoup sans doute ; mais quand on parle de vingt-cinq mille pieds d’eau dans certains parages de l’Atlantique, il y a bien de quoi renoncer à la lutte. Après 40 ou 42 mètres, la lumière diminue sensiblement. Arrive-t-il un point où elle s’éteint ? Il y a tout lieu de le croire. En même temps que les rayons du soleil cessent de pénétrer au fond de la mer, la végétation s’efface, car les plantes marines sont aussi bien que les plantes terrestres les créatures de l’astre nourricier. La vie végétale s’évanouit d’ailleurs dans ces abîmes beaucoup plus tôt que la vie animale. Des profondeurs où, selon les calculs de la science, règne une perpétuelle obscurité, la sonde a rapporté des infusoires et de petits mollusques à coquilles délicates qui s’effritent sous les doigts. Ce qui a le plus étonné en les examinant au microscope a été de leur trouver des yeux. De quel usage peuvent leur être ces organes dans des déserts sans lumière ? Selon toute vraisemblance, ces animaux-là ne vivent point au fond de la mer ; ils croissent et multiplient plus nombreux que les grains de sable dans les eaux qui avoisinent la surface. Ce n’est qu’après leur mort qu’ils descendent dans ces cimetières ténébreux où se conservent leurs parties charnues, car l’océan à de telles profondeurs paraît avoir la propriété d’embaumer ses morts. La surface de la mer représente l’inconstance ; le fond est une image de l’immobilité. De toutes les choses créées, son lit est celle qui change le moins. La masse des eaux forme une sorte de coussin placé entre l’atmosphère et les plaines sous-marines pour intercepter l’influence des causes érosives. Là tout au fond, dans ces régions sans soleil, règnent l’éternel silence, l’éternel repos et l’éternelle nuit. Là une température uniforme et, comme disent les naturalistes,