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d’Italie, feront perdre courage au pape et à cette sérénissime république. Ils se repentiront de s’être autant avancés en voyant qu’il n’est rien tenu de ce qui leur a été promis. Il leur paraît étrange que, la ligue étant conclue depuis deux mois, il ne se fasse rien en France pour cette entreprise, tandis que le pape et cette seigneurie se sont à ce point découverts et se trouvent sous le coup de si grandes dépenses. Tout gît dans les commencemens. Ce n’est point là, sire, le chemin à suivre pour abaisser l’empereur, mais bien pour le faire beaucoup plus grand qu’il n’est[1]. » François Ier était en retard vis-à-vis des confédérés, parce qu’il continuait à négocier avec Charles-Quint. Il espérait que l’empereur, intimidé par la conclusion de la ligue et par les mouvemens hostiles de l’Italie, renoncerait à la Bourgogne et se contenterait d’une forte somme d’argent. Cependant l’armée de la ligue, malgré les deux échecs qu’elle avait essuyés par l’excès de prudence de celui qui la commandait, tenait toujours la campagne dans la Haute-Italie. Elle fut renforcée vers la fin de juillet de 6 à 7,000 Suisses, qu’avait fait lever le pape et que devait solder le roi. Dans les commencemens d’août, le duc d’Urbin, laissant les troupes pontificales à Marignan pour contenir les impériaux dans Milan, se porta sur Crémone avec les troupes vénitiennes. Cette forte place était défendue par une garnison considérable, composée de 2,000 lansquenets, de 800 arquebusiers espagnols, de 200 hommes d’armes et de 200 chevau-légers ; mais la citadelle tenait encore pour le duc Sforza. Située sur l’Adda à sa jonction avec le Pô, Crémone, si elle était prise, aurait formé avec Lodi une ligne de défense qui couvrait les états vénitiens de terre ferme. Le duc d’Urbin l’investit et l’attaqua régulièrement. Pendant que se poursuivait ce siège, qui devait durer près de deux mois, et avant que Crémone capitulât, il se passait à Rome des événemens d’une gravité extraordinaire pour le saint-siège et d’une conséquence dangereuse pour la confédération.


VI

Ugo de Moncada, en quittant Clément VII, qu’il n’avait pas pu détacher de l’alliance de François Ier, s’était rendu dans le royaume de Naples. Il s’était ensuite abouché à Marino avec les chefs de la puissante famille des Colonna, qui s’y étaient retirés pour se soustraire à l’inimitié du pape, non moins grande envers eux que ne

  1. « Ne questa è, sire, la via di metter l’imperatore in nécessita, come e in poter vostro di metterlo, ma si bene di farlo assai più grande che non é. » — Lettre du 22 juillet de l’évêque de Bayeux à François Ier. — Lettere di principi. — Dans sa lettre du 23 à la mère de François Ier, il ajoutait : « In luogo d’abassar l’imperatore, lo faremo più grande et vi perderete gli animi d’Italia per sempre. » — Ibid., f. 2, r°.