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démonta pièce à pièce toutes les machines et les renvoya à la surface. Il travaillait de la sorte six heures par jour avec autant de sang-froid que s’il eût été dans son atelier : il se trouvait pourtant sous quarante-deux pieds d’eau, et en outre le fond de la mer était souvent troublé par des oscillations qui venaient du détroit. Un bâtiment appartenant à l’une des plus riches sociétés maritimes de l’univers, Peninsular and oriental steam company, le Malabar, ayant échoué en 1860, reposait depuis plusieurs mois au fond de l’abîme, quand des plongeurs équipés du casque et de l’appareil de M. Heinke retrouvèrent la somme entière que portait ce navire, 280,000 liv. sterl. (7 millions de francs). Il y a tout lieu de croire que la mer est encore plus riche que la terre après les millions de naufrages qui ont englouti des fortunes royales. Le mirage de cet or dormant au fond des eaux a troublé le sommeil de plus d’un plongeur. Des trésors sont sans doute enfouis dans les sables caressés par les vagues, mais où les chercher ? comment trouver la clé de ces coffres-forts de l’océan ? Passe encore quand on connaît à peu près le site du naufrage ; mais qui dira dans quelles eaux ont échoué les vaisseaux de l’Armada ? Le désir d’explorer ces régions inconnues a plus d’une fois suggéré l’idée d’un bateau sous-marin. Vers 1857, un ingénieur de Londres, M. W.-E. Newton, inventa un appareil en fer d’une forme ovale qui contenait assez d’air pour suffire à la respiration de plusieurs personnes tout le temps qu’elles étaient sous l’eau. Ce bateau, qui avait des fenêtres pour recevoir la lumière et qui éclairait d’ailleurs sa marche au moyen d’une lampe allumée, pouvait descendre, naviguer sous la masse des lames et remonter ensuite à la surface. Il était surtout destiné à conduire les plongeurs d’un endroit à l’autre. Si l’homme arrive jamais à reconnaître de distance en distance ces profondeurs où sommeillent les restes des anciens naufrages, ce sera par quelque invention semblable. On s’est aussi beaucoup préoccupé dans ces derniers temps en Angleterre de nouvelles méthodes pour relever les navires récemment submergés. Un tel ordre de travaux ne rentre guère dans le sujet de nos études, et pourtant il exige de même le concours des plongeurs. Il leur faut souvent creuser aplat ventre dans la nuit, — quelquefois à travers la roche sous-marine, — des galeries et des passages obscurs avant d’attaquer en dessous le géant échoué et de le couvrir de chaînes qui doivent le ramener à la surface[1].

  1. Un célèbre ingénieur civil, M. Page, est l’auteur d’un procédé ingénieux dont on peut lire la description dans le Times du 21 septembre 1864. J’ai vu aussi à Londres un ingénieur prusso-américain, M. Euber, inventeur d’un bateau sous-marin, le Narval, qui va chercher les navires au fond du gouffre et les ramène à fleur d’eau. La grandeur, la hardiesse et le succès de ses entreprises méritent bien d’appeler l’attention.