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du casque qu’il descendit dans la bouche de la mine inondée. Au bout d’une demi-heure, il reparut portant à la main des ressorts brisés. Il avait découvert la cause qui paralysait l’action de la pompe ; le liquide s’échappait par une ouverture des tuyaux avec une telle violence qu’il avait été lui-même jeté contre les murs du puits. Il redescendit une seconde, puis une troisième fois, armé d’instrumens de travail, et réussit complètement à arrêter la fuite d’eau[1].

Le principal objet du scaphandrier est néanmoins d’aider les plongeurs à ressaisir les richesses englouties par la mer. En 1844, une troupe de divers fut employée à retrouver les restes du Royal-George, vaisseau de 104 canons qui avait fait naufrage en 1782 à Spithead dans quatre-vingt-dix pieds d’eau. Les manœuvres étaient commandées par le général Pasley. Deux soldats de l’armée qui avaient échangé pendant ce temps-là l’habit militaire contre le casque et l’uniforme de plongeur se prirent de querelle au fond de l’océan à propos d’une question de propriété. Comme ils travaillaient tous les deux sur le même débris de naufrage, ce fut à qui resterait maître du terrain et s’emparerait des dépouilles. Il s’ensuivit un combat durant lequel l’un des plongeurs donna un coup, de poing à son adversaire sur la visière du casque et brisa ainsi la glace. On fut dès lors obligé de le remonter à la surface, tandis que l’autre fit main basse sur le butin. Quand les recherches furent épuisées et qu’on voulut activer le travail de dépècement, on plaça dans les parties massives du navire des charges de poudre auxquelles on mettait le feu par le moyen d’une batterie voltaïque. Chaque fois qu’on faisait sauter la mine, l’eau se soulevait en une sorte de plein-cintre qui se brisait ensuite par le milieu. Ceux qui ont assisté à ces travaux assurent que c’était une des scènes les plus émouvantes qu’on puisse voir. A la suite de chacune de ces explosions, des poissons, des morceaux de bois, des algues de toutes les nuances flottaient à la surface de la mer. Quoique mille personnes eussent péri dans ce naufrage et que le vaisseau fût très chargé, on y trouva fort peu d’argent ; mais on retira d’entre les ruines vingt-trois pièces d’artillerie. Le bois de la carcasse fut vendu selon l’usage pour tourner des tabatières et toute sorte d’ornemens recherchés des curieux[2]

  1. M. Tilley, ingénieur de Londres, entretient un plongeur pour descendre au besoin dans les puits très profonds. Il y a peu de temps, cet ouvrier rapporta les cylindres d’une pompe qu’il avait été chercher dans quatre-vingts pieds d’eau et à deux cent quarante pieds de la surface.
  2. . J’ai vu chez M. Siebe de sombres et intéressantes reliques arrachées dans cette occasion au lit de la mer : le tibia d’un marin, un moulin à café, une tasse, une cuiller d’argent, un foulard, une vieille pipe, une bouteille de vin à laquelle s’étaient incrustées des écailles d’huîtres, etc. ; mais ce qui me frappa le plus, c’est une crosse de mousquet rongée par les vagues. Voilà ce que fait la mer des armes sur lesquelles l’homme compte pour sa défense ! Cette collection de curiosités doit être envoyée incessamment au Kensington-Museum.