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signaler aux savans de l’Angleterre. La cloche à plongeur attend encore son Glaisher, cet intrépide aéronaute qui, par d’utiles ascensions et au moyen d’instrumens délicats, cherche à dérober certains secrets aux hauteurs glacées de notre atmosphère.

Dans les descentes subaquatiques, la diving-bell semble exposée à beaucoup de dangers, et pourtant, Dieu merci, les accidens sont rares. Il n’est pas de plongeurs qui ne sachent très bien que si la chaîne qui les suspend dans l’eau venait à se rompre, tout serait perdu. La machine est beaucoup trop lourde pour qu’ils puissent entretenir un instant l’espoir de la soulever, et ce dôme de plomb deviendrait en pareil cas le couvercle de leur tombeau. Ce malheur n’est pas le seul qu’ils aient à redouter. Il se peut que certains mouvemens de la mer ou certaines fausses manœuvres dérangent l’équilibre de la cloche, et alors les plongeurs courent le plus grand risque d’être noyés. A Blackwall, près de Londres, un de ces appareils chargé de trois hommes commençait à s’emplir d’eau. Heureusement l’un des divers, doué d’une rare présence d’esprit, plongea sous l’ouverture de la cloche, revint à la surface, où il donna l’alarme, et sauva ainsi ses compagnons. A Plymouth, où cet instrument s’aventure sans relâche depuis plus de quarante années dans toutes les eaux du détroit et à diverses profondeurs, il n’y a guère eu d’accidens sérieux à déplorer[1].

Les plongeurs que j’avais autour de moi, près du brise-lame de Plymouth, forment une race de maçons amphibies, qui travaillent moitié sous l’eau, moitié sur la grande chaussée qu’ils ont construite eux-mêmes. A voir les dangers qu’ils affrontent, on croirait volontiers qu’ils sont attirés au fond de l’abîme par l’appât d’un gain considérable. Il n’en est rien pourtant ; leurs salaires ne s’élèvent guère au-dessus du tarif des ouvriers ordinaires. Ils sont payés soit à la pièce, soit à la journée ; mais dans tous les cas ils gagnent rarement plus de 20 à 25 shillings par semaine (25 francs 30 centimes et 31 francs 62 cent.). Encore ont-ils des mortes-saisons ; lorsque la houle est très violente, ils ne peuvent descendre dans la cloche. Il arrive même quelquefois que la surface soit calme et que le fond soit agité par ce que les Anglais appellent ground-swell, sorte de

  1. Voulant néanmoins conjurer les chances si formidables de cette lutte avec le plus perfide des élémens, on inventa, il y a quelques années, en Angleterre une nouvelle machine, le Nautile, que j’avais vue moi-même à Londres, en 1857, dans les Victoria-Docks. Le trait particulier de cette invention était ce que les Anglais appellent self-government. Les mouvemens de cette chambre à air dépendaient entièrement de la volonté de ceux qui l’occupaient, au lieu de dépendre, comme dans les anciennes diving-bells, d’un secours étranger. Le tube qui communiquait de haut en bas avec un réservoir de fluide respirable fut-il venu à se briser, les hommes pouvaient, à l’aide de l’air condensé dans la machine, refouler une partie des eaux et remonter a la surface.