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Pavie. Découragés par ce grand échec, ils se seraient trouvés à la grâce de Dieu,[1] comme l’écrivait Antonio de Leyva ; mais le duc d’Urbin, qui tentait cette entreprise par condescendance, l’exécuta sans vigueur et sans ténacité. Il fit braquer trois canons, qu’il tira contre la porte Romaine. Il ordonna ensuite de préparer les échelles et dit aux hommes d’armes de mettre pied à terre et de se disposer pour l’assaut ; mais au lieu d’un assaut il se réduisit à une faible escarmouche. Il envoya quelques soldats vers les fossés et ne les lança pas avec assez de résolution ni en assez grand nombre pour qu’ils les franchissent et enlevassent les remparts. Ils y rencontrèrent les arquebusiers espagnols qui les défendaient, et qui tuèrent quelques-uns d’entre eux. Après cette tentative imparfaite qui avait suffi pour que beaucoup d’impériaux pliassent déjà bagage et s’apprêtassent à partir, le duc d’Urbin arrêta son armée. Le soir du 7 juillet, bien qu’il vînt de recevoir six pièces de canon pour battre la ville en brèche, malgré les représentations les plus vives du lieutenant du pape et du provéditeur de la république vénitienne, au grand déplaisir des troupes mécontentes et humiliées, il ordonna subitement la retraite. Il prétendit qu’il était impossible de prendre la ville de Milan avec les soldats qui l’attaqueraient contre les soldats qui la défendraient, que l’épreuve venait d’en être faite, que tant qu’il aurait le bâton de commandement des Vénitiens, il ne compromettrait pas leur armée ni l’entreprise dont le succès était attaché au sort de cette armée, que si l’on attendait le lendemain pour décamper, on serait foudroyé, dans la position dangereuse qu’on occupait, par les canons dont les Espagnols garniraient les remparts pendant la nuit. Il reprit sans délai la route de Marignan au milieu des murmures de l’armée, où l’on disait de lui : Veni, vidi, fugi, je suis venu, j’ai vu, j’ai fui[2]. L’intrépide Jean de Médicis, qui commandait l’infanterie pontificale, ne voulut pas partager la honte de cette fuite nocturne. Il attendit le grand jour pour se retirer, et il se dirigea lentement vers Marignan, sans avoir essuyé une décharge d’artillerie et sans avoir perdu un seul homme. Les impériaux, charmés autant que surpris de cette retraite, se gardèrent bien d’attaquer ceux qui renonçaient ainsi à les assaillir.

Cette tentative, infructueuse parce qu’elle avait été mal dirigée et mal soutenue, fut très nuisible à la cause des confédérés. Elle affaiblit la grande impression qu’avait produite la prise de Lodi, et qui fut presque entièrement effacée par l’essai que le duc d’Urbin fit

  1. « Furouo in questo tempo dal luogotenente del pontefice intercette lettere che Antonio da Leva scriveva al duca di Susaa avvisandolo della mala disposizione del popolo di Milano e che le cose loro non avevano altro remedio que lagrazia d’Iddio. »
  2. Guicc, lib. XVII.